Le diptyque des « Enfants de la citadelle » est paru chez Casterman en 2006 et 2007 ; il constitue les 6ème et 7ème (et ultimes) tomes d’un cycle graphique connu sous le titre générique de «Tendre Violette». Jean-Claude Servais en a assuré seul les dessins et scénarios depuis le 5ème épisode (« Lucye »). S’y dessine une fin abrupte, hélas en queue de poisson, qui ne prévient pas que Violette ne reviendra plus, c’était sa dernière apparition. Servais nous prive, ainsi, d’un vrai épilogue, d’une conclusion digne de ce nom. Le dessinateur va désormais œuvrer ailleurs : sous les cieux nouveaux d’autres personnages, à d’autres époques, via d’autres thématiques. N’empêche, cet ultime clin d’œil en one-shot est de belle facture (même si le second volet se montre un tantinet attendu) ; s’y mêlent, comme d’habitude et à petites doses, Fantastique classique de bon aloi, surnaturel et sorcellerie.
Derniers rendez-vous, donc, avec l’héroïne, la belle et sauvageonne Violette. Elle va me manquer. C’était le fil rouge d’un cycle, charmant et attachant, vers lequel, d’épisode en épisode, je revenais avec plaisir. La série connut son heure de gloire entre BD de terroir et œuvre doucettement féministe. Bye bye Violette, croqueuse de vie et croqueuse d’hommes ; que ce qu’il te reste d’existence (et dont je ne saurai rien), t’apporte ce que tu en attends : la liberté de te montrer comme tu le souhaites, sans fards ni duperies, des rires plein le visage, du bonheur dans les yeux, le vin à satiété, l’honnêteté de belles rencontres au gré de circonstances sans monotonie, Dame nature généreusement offerte à tes pièges de braconnière, l’Amour qui, à défaut d’être Grand, se montrera volontiers « pluriel » … Tchao la Belle.. ! Bises à Bourguignon, le seul homme que tu sembles avoir vraiment aimé.
A l’orée de l’entre-deux-guerres, « Les enfants de la citadelle » prend pour cadre la citadelle militaire de Montmedy dans la Meuse. Servais semble avoir été impressionné par le site (« J’ai écrit cette histoire en fonction du lieu et des émotions que je ressentais en le visitant ») ; il y trouva prétexte à un background Fantastique, comme il sait si bien les créer.
Montmedy est un bourg-forteresse abandonné par les troupes françaises aux premiers jours du conflit de 14-18. Auparavant, les lieux attendirent en vain (c’était pourtant prévu) Louis XVI et Marie-Antoinette fuyant Versailles (Varennes est à une cinquantaine de kms). D’aucuns prétendent que ses bas-fonds recèlent les bijoux cachés de la Reine. Les trois faits ont de l’importance, c’est à leur croisée que se construit l’intrigue, une Petite Histoire dans la Grande.
Montmedy est une étonnante et singulière construction, un bourg délabré et déserté, des fortifications en ruines, un fort abandonné de toute activité communautaire (ou presque). Lugubre et pesante atmosphère. Désolation, silence volé aux activités bruyantes d’une garnison enfuie. Un huis-clos s’y dessine puis s’impose ; il va peu à peu conduire le récit en territoire Fantastique et créer des personnages taillés dans le genre, inquiétants et lourds d’un passé commun tragique qu’ils semblent taire ou simplement vouloir oublier. Les habitants semblent se couler dans la peau de fantômes taiseux, ouverts à l’exorcisme de ce dont ils se rendirent coupables.
… la suite appartient au récit.
Servais, les épisodes précédents, s’était tout entier consacré à la nature qu’il souhaitait omniprésente, la dessinant avec amour dans toutes les splendeurs de chaque saison. Le contraste est fort, quand, abordant la Citadelle de Montmedy, on se heurte à une imposante masse de béton rectangulaire rendue aux ronces voraces et à l’herbe folle. Servais, au service d’un grandiose décor artificiel, compense par les couleurs d’un automne flamboyant.
Servais y semble oublier ses personnages secondaires antérieurs (seule Lucye, vite fait, cinq éphémères vignettes durant, se rappelle à notre bon souvenir) ; ainsi se tisse un one-shot où, malgré tout, planent encore certaines personnalités déjà croisées. Servais s’est généreusement déconnecté de l’intrigue générale, on peut y sentir son envie de se trouver d’autres héros. J’aimais bien Violette, sa gentillesse, son caractère bourru, son amour de la vie ; c’est dommage de voir son personnage se diluer, d’un claquement de doigts, dans l’oubli d’un ultime épisode qui ne viendra pas vraiment.
Deux très jeunes orphelins, oubliés de presque tous, courent les ruines et vivent de rapines. Ils sont inapprochables, presque rendus à l’état primitif. Certains les nourrissent, d’autres ne les voient tout simplement plus. Ils semblent soumis à un destin tragique qui les isole du présent et les prive de futur.
Le fantôme de leur mère, une belle chanteuse de cabaret, le seul amour d’un homme.
Un vieil aristo grincheux, laid et vindicatif qui ne pense qu’aux bijoux cachés.
Antonin, l’amoureux actuel de Violette qui cache bien des secrets.
… et que vienne le drame par les troupes d’Occupation.
« Tendre Violette » l'intégrale des chroniques sur « La convergence des parallèles » :
01: Julien
02: La cochette
03: Malmaison
04: L'Alsacien
05: Lucye
06 : Les enfants de la Citadelle 01
07: Les enfants de la Citadelle 02
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