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mercredi 20 novembre 2024

Gilles n°15 Status Quo

 Gilles, c’est un pote de ma vie réelle. Il dessine, il peint, il expose. Et il a une patte que je lui envie.  

            Son créneau graphique : revisiter à sa manière les discographies de groupes rock qui ont fait l’histoire musicale du genre en proposant pour chacun, par lots de 9, certaines illustrations de leurs pochettes d’albums respectives … Elles vous rappelleront, pour la plupart, bien des souvenirs nostalgiques. Sur le fil des 53 tableaux que comporte, à ce jour, la série se déroulent lentement les années passion-rock de mecs de mon âge qui ont plongé avec goinfrerie dans la zikmu-rock & consœurs.

               Ci-dessous, le 15ème de la série. A suivre pour les autres.

Status Quo, en son temps, fut l’archétype du combo rock brut de pomme, binaire et basique … Et, à juste raison, cela plaisait. Le groupe proposait un balancement musical métronomique ininterrompu. Les pieds de qui s’y laissait prendre battaient farouchement la cadence. Status Quo c’était du rentre-dedans sans fioritures ; des riffs musclés, épais et lourds, répétés et martelés jusqu'à la fin du monde ; des schémas rythmiques, frénétiques et hypnotiques, livrés en déferlantes live jusqu'à plus soif au sein d'un même morceau, d'une plage à l'autre, d'un album au suivant. Des refrains entêtants comme sortis des gorges des spectateurs d'un stade de rugby britannique. Les maitres-mots : pêche, énergie, électricité, headbanging, bonheur et sueur du corps qui danse…

Un critique rock disait d'eux qu'ils avaient boosté les ventes de manches à balai-guitare et celles des miroirs en pied. MDR. Sous les nuées de briquets allumés, les cheveux longs tournaient inlassablement autour des têtes en longues gerbes dorés ou brunes, fouettant l’air de larges gifles. Secoue ton crâne camarade, il en jaillira la bonne parole du boogie. Les membres du Quo se firent bûcherons du genre, scièrent inlassablement, lames brûlantes, guitares hurlantes, dans une masse compacte de refrains à tue-tête chantés, de riffs lourds et tranchants et de soli acérés. Status Quo sur scène devint une fête offerte à qui voulait bien communier. Le balancement emporta la foule... le mythe naquit … et perdura de tournées d’adieux en tournées d’adieux.

Un bouledogue bicéphale et hargneux orne « Dog of two head » (1971), l’album s’installe entre la vague psyché-poppy sunshine gentillette et mélodique qui porta le groupe jusqu’alors et un virage boogie teigneux, râpeux et agressif. C’est l’album aux deux visages, l’un minimaliste et minoritaire, l’autre délibéré, majoritaire et définitif. La messe est dite, la suite sera boogie à temps complet.

« Piledriver » (1972) : la photographie en une de pochette est emblématique de Status Quo. On y voit le combo à l’avant-scène où il aligne ses 2 guitaristes et son bassiste, jambes écartées, tignasses en headbanging, silhouettes clonées l’une sur l’autre. On dirait les Frères Ripolin ou un haka néo-zélandais rugbystique jubilatoire ; rien de péjoratif dans la comparaison, le cliché est mythique, la position est réitérée chaque soir de concert ; c’est l’image que le groupe veut que l’on retienne. Il en résulte un effet de cohésion qui se renforce sur la pochette d’« Hello » (1973) où l’on devine l’embossage cartonné noir sur fond noir des cinq en rappel face à leur public, puis sur « Quo » (1974) (les racines de l’arbre). Le groupe se montre les pieds bien verrouillés au sol, sûr de son fait, fidèle à son image et à ce qu’il joue et la manière dont il le joue. Le groupe est à son summum sur le versant hard de sa production.

Plus tard, avec « If you can’t stand the heat » (1978), la galette de cire noire sur la platine disque se fait plaque de cuisson incandescente sous le saphir du bras de lecture ; les chansons restent des brûlots chantés même si la musique s’y assagit quelque peu.

Sur « Whatever you want » (1979), le recto de pochette, un fier pingouin à la parade sur tapis rouge, explicite (non sans mystère résiduel) l’attente exacerbée de la foule au verso. Un parfum pictural des années 50’s voire 60’s : photo-journalistes et flashes-ampoules au magnésium, Marylin Monroe, Humphrey Bogart et Marlon Brando, micro NBC et Monsieur Loyal. Tout çà, va savoir pourquoi ? Je ne possède pas les références.

A l’image de l’album « rockin’ all over the world » (1977), «Just supposin’ » (1980) et « Never too late » (1981) utilisent, dans des tons bleutés, la thématique de l’Espace.

 La pochette de « In the army now » (1986) rappelle un cliché photographique célèbre de la seconde guerre mondiale (Iwo Jima) qui lui-même inspira «Conquest» de Uriah Heep en 1980.

Et, pour finir, qui pour se souvenir de l’extatique intro parlée présentant le groupe sur « Live » (1977) ? Le rock, quelque part, c’est çà : une envie de partage et le Quo, en ce domaine, savait y faire … all night long. (cf le lien ci-dessous)

… Et en illustration musicale, « Junior’s wailing"


 

 

lundi 18 novembre 2024

…CharlElie Couture – Poèmes rock (1981)

 

                J’ai ressenti, ces temps-ci, l’envie de revenir vers CharlElie Couture . Ça faisait bien longtemps…

C’est la faute à ce temps de novembre de bonne heure revenu, humide, frisquet et tristounet qui me replonge, à son opposé, dans les grosses chaleurs bienheureuses d’il y a peu, en écho d’un été trop tôt perdu, gommé de ces jours brûlants.

« Quand il fait chaud il fait chaud. On a envie de l’eau, envie de l’eau, ôh ôh ôh ».

Une voix qui nasille, trainasse et s'alanguit ; une musique qui vit, explose et surprend. Des lyrics tout mous tout bêtes, marmonnés, étouffés, étirés façon marshmallows mollassons … et pourtant si rieurs, bienheureux, assagis et reposés. Quelques notes cristallines au piano et à guitare sèche, basse et batterie qui sautillent. C’est beau, c’est simple, c’est humble.

                A chaque fois c’est pareil : sortir ce vinyle-là, toujours ce quatrième album plus qu’un autre, le poser sur la platine disque, accepter que ces 10 p***** de chansons de rien squattent mon espace-temps, et tournent, tournent, tournent à l'envie ; cet album me bouffe le temps sans qu’il n’y ait rien de perdu à l’écouter, à le goûter, à le savourer.

                La patte atypique de CharlElie posée sur la musique, entre variété française, rock, blues et jazz m’a toujours fasciné, intrigué, emballé. J’écoute peu de chanteurs de chez nous, mais lui si. De plus, son personnage intriguant, tout aussi singulier, hors sentiers battus, crane-miroir et barbiche-coton, turlututu chapeau pointu, voix de canard et "poèmes rock"... J'adore.  Et puis, ses lyrics tels des dizaines de clichés polaroids jetés sur scène, au pied du micro, comme autant d’instantanés de vies figées dans l’instant.

« Derrière le parking qu'est désert la nuit
À côté de la voie ferrée dans une impasse étroite
Il y a un p'tit bar au papier peint jaunâtre
Papier peint jaunâtre
Le vin pique la gorge et le pain des sandwiches est plus mou qu'une éponge
Bien plus mou qu'une éponge. »
Le loup dans la bergerie

« Poèmes rock » porte bien son nom, comme si en deux mots, de l’un vers l’autre attiré, Couture battait la cadence entre poésie tranquille et énergie. On y trouve un déphasage entre l’intention et l’action, le fond et la forme. L’apparente placidité que renvoie le chanteur se gomme sur des orchestrations rock détonantes. Cette dichotomie se creuse lors de concerts pour le moins toniques …

L’album, sorti en 1981, fait le difficile pari de ne pas s’acoquiner aux nappes de synthés alors à la mode, celles-là même qui allaient noyer le rock une décennie durant. Couture s’impose un parfum instrumental suranné inspiré et fécond: piano, guitare, basse + batterie … Certaines chansons me font penser musicalement à du JJ Cale (que j’adore) : cool attitude, vocaux en laidback serein, mi chanté mi parlé.

Couture c'est tout mou tout doux roudoudou mais çà swingue grave le loup. J'adore.

dimanche 17 novembre 2024

Opus Humano n°02 (BD)

 

Les Humanoïdes Associés ed. (2024)

 

Fin 2024 et début 2025, « Metal Hurlant » fête ses 50 ans via 5 hors-séries titrés « Opus Humano » qui rééditent certains jalons graphiques antérieurs de la revue. Chaque volume est dédié à une décennie (75-85,85-95,95-05,05-15,15-25) via des récits courts comme tirés d’un best of, voire des albums entiers livrés dans leurs intégralités ; tous démontrent la prolificité et la qualité du magazine sur son demi-siècle d’existence.

A contrario et à mon sens, les albums réédités parallèlement, 1 trimestre sur 2, dans la mouture actuelle de « Metal Hurlant », dans la mesure où ils sont insérés incomplets, minent la crédibilité du projet en cours.

Le moindre des intérêts d’«Opus Humanos» est, entre autres, sa mise en vente en kiosques comme le fut toute la lignée originale de « Metal Hurlant ». Ainsi ressurgissent des parfums d’antan et la nostalgie d’une époque où l’on trouvait ses « mauvais genres » chéris aux cotés des « Gitanes » filtre, de la presse quotidienne d’alors, de « Pilote hebdo ou mensuel », « Rock & Folk », « Charlie » et « Fiction » ... etc.

Le présent HS cible 1985-1995, une tranche temporelle durant laquelle j’ai, quelque peu, abandonné la BD au profit de la SF écrite, l’état de mes finances d’alors m’obligeant à des choix draconiens. N’empêche, l’envie m’a pris, ces temps, de reprendre le fil d’une lignée graphique délaissée, néanmoins suivie du coin de l’œil. Ainsi donc, ici, ces quelques mots pour recoller à un passé qui m’aurait pu être uchronique.

Certains noms, dessinateurs ou scénaristes, me reviennent en mémoire, d’autres pas ; réminiscences et découvertes. 

     

01_ « Vieille fille de la Mère Patrie », signé Beb-Deum, tiré d’un tout plus grand, « Bürocratika », un album de 1989. Quelques pages intéressantes (4), revisitant le thème classique d’une bureaucratie invasive qui forme dystopie à venir, emportant l’Amour au rang des interdits et des suspicions de déviances civiques. Gaffe à nous et de ce que nous faisons de notre monde … ! Un graphisme tout en N&B et nuances de gris, échos d’un monde qui perd les couleurs de ses libertés individuelles.

02_ Qui pour se souvenir de « Winchester 73 » ? Un western ciné de 1951, signé Anthony Mann. Des scénettes en fix-up autour du fil rouge d’une Winchester 73 passant de main en main ; les portraits et destins de ses propriétaires successifs. « Mémoires d’un 38 » (1989) de Franz,Bocquet & Fromental en reprend, ici, le principe via un 38 Spécial. Six historiettes imbriquées sur le fil des destins cruels et quelques fois justifiés d’un flic véreux et jaloux, d’une auto-stoppeuse minée dans sa tête, d’un poète décalé, d’une camée, d’un suprémaciste blanc suicidaire et d’une clocharde. Jubilatoire... !

03_ Chaland pour « F.52 » (1989) : son rétrofuturisme, ses vignettes lumineuses aux couleurs merveilleusement douces ; son trait précis, calculé, sobre et définitif ; ses histoires moins naïves qu’il n’y parait (ne surtout pas s’y tromper… !) ; ses héros délibérément clonés d’après Tintin en hommage à Hergé, houppette et yeux punctiformes… ; ses récurrents clins d’œil graphiques ou narratifs à la Ligne Claire (Lombard, le nom du héros, par exemple, est une maison d’édition spécialisée BD, elle a publié Tintin … etc).

 

04_ Warn’s + Raives pour « Le centaure tatoué » (1992). Thriller ou polar noir, c’est selon ? New-York au cœur des années 40’s. Coney Island, son phare, son parc d’attractions et ses pontons face à l’Atlantique. Deux corps nus sous l’eau, ligotés à une masse de béton ; un homme, une femme, décapités, amputés de leurs doigts et … tatoués, chacun, d’un minuscule centaure en creux d’aisselles. Un photographe de presse enquête et remonte le fil d’une intrigue maffieuse complexe. Une BD sanglante et violente, vive et réfléchie, un scénar millimétré et implacable. Une carte postale graphique du New-York de ces années-là, sombre et lumineuse, guettant les coins d’ombres et les lumières aveuglantes, ostentatoires et orgueilleuses de la mégapole ; une vision réaliste sublimée par un dessin précis et des couleurs soigneuses. De magnifiques vignettes souvent privées de textes pour un effet ciné appliqué aux courses-poursuites dans les escaliers métalliques des façades d’immeubles, aux règlements de compte au ras des trottoirs. Je ne connaissais pas cette série, j’y reviendrai… Ps : c’est le tome 5, cela ne m’a pas gêné.

05_ Sous l’impulsion d’Alejandro Jodorowsky au scénario, Jean-Claude Gal, aux dessins, s’essaie à la couleur dans « La passion de Diosamante » (2010). C’est une réussite impressionnante, presque bluffante. Le dessinateur avait déjà eu sa place logique dans le tome 1 d’ «Opus Humano», le voici de retour et c’est un plaisir de le voir, une nouvelle fois, à l’honneur. Du fait de la méticulosité graphique exigeante et chronophage qu’il s’impose de page en page (Quel boulot.. !), Gal se montre une personnalité rare et précieuse en BD. Son travail époustouflant de précision laisse émerger, dans les moindres détails, des cités mythologiques imaginaires grandioses ; des guerriers d’Héroïc-Fantasy bardés d’acier et d’intentions belliqueuses, de sang, de muscles et de sueur ; une belle héroïne au destin rédempteur sur le fil d’une quête initiatique attachante (Ah l’amour, toujours l’amour.. !). Jodorowsky laisse échapper ses penchants lyriques et grandiloquents sur le versant Fantasy de son Imaginaire ; ce dernier semble tout autant lui convenir que celui SF qu’il affectionne déjà. Bref, un grand moment.. !

06_ « Adam Sarlech » de Bézian (1989). Au XVIIIème siècle, un huis-clos familial cadenassé sur ses secrets et ses non-dits, oppressant, angoissant et profondément dramatique. Il ne laissera pas indifférent, voire même indemne, celui qui s’engagera entre ses pages. Une sombre et haute demeure isolée, quelque part en France, entre cimetière et landes d’automne. Un milieu aristocratique autarcique. Une mère autoritaire et garante du bon ordre des êtres et des choses ; des jumeaux perdus entre spiritisme et occultisme ; une cadette mutique et nymphomane ; un médecin de famille à demeure, au chevet d’un oncle paralytique en fauteuil roulant ; un curé, nouveau dans la paroisse, curieux de cette fratrie énigmatique qui prend grand soin de ne rien révéler de son passé ; une domesticité muette et quelque peu absente ; de bien curieux mannequins aux visages de cire … et Alba, la belle solitaire, qui rôde autour de la demeure… Une atmosphère Fantastique classique qui semble habiter/obnubiler son créateur. Un scénario qui, crescendo, demande d’attendre sa pleine puissance dans l’épilogue révélateur. Un graphisme étonnant, chaotique, déchiré, au final éblouissant, dans lequel il convient patiemment de s’immerger pour en comprendre les mécanismes et pouvoir pousser plus avant. Au final, à deux doigts du chef-d’œuvre, une BD brulante et froide qui ne laisse pas indifférent. Un one-shot qui a, semble t’il, appelé une trilogie dont je suis curieux … d’urgence.

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