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vendredi 21 octobre 2022

Les Enfants de Cinecitta – Thilde Barboni

cadomia Ed.; Collection "Evasion"; 2022

 

Ce roman baigne, 225 pages durant, dans le Cinéma. En rendant hommage à une de ses facettes mineures, le Western Spaghetti, l’œuvre nous donne à lire, emballée dans un récit de fiction, la Petite Histoire d’un sous-genre oublié, enkysté dans le Grand Tout du 25 images/seconde. Abordant un de ces « mauvais genres » dont je suis friand (j’apprécie ces trucs de rien, quelques fois moqués, mais qui en creux disent beaucoup du monde qui nous entoure), je ne pouvais être que tenté. L’auteure, Thilde Barboni, évoque sur sa lancée, en obligation naturelle, en bonus alléchants, une époque révolue mais artistiquement féconde (les miennes années 60’s d’enfance et de petite adolescence), un pays, baigné de soleil, dont j’ai toujours rêvé (l’Italie) et une Usine à Rêves, Cinecitta.  

Qu’en est t’il du tout, de ce que j’attendais du pitch qui m’avait attiré l’œil, de mon ressenti en sortie de lecture ?

Ces « Enfants-là », dans ce roman-ci, depuis les personnages principaux jusqu’à ceux secondaires, peuplent leurs vies d'addiction constante au cinéma, essaient de concrétiser leurs rêves de nitrate d’argent pelliculaire, offrent le meilleur d’eux-mêmes à la caméra, à la lumière des projecteurs et aux flashs des journalistes, recherchent à minima la reconnaissance de leurs pairs (dur dur quand les films tournés n’ont qu’une intention populaire), à maxima celle du public (le succès, à ce titre, est d’importance. Cà console ..!). Les personnages interagissent classiquement au gré d’une intrigue légère mais attachante, au rythme d’une prose fluide, aisée et rapide ; le plaisir de lire est présent, simple et addictif, au gré d’une histoire pleine de tendresse et de bons sentiments. Un tantinet « fleur bleue » peut-être ? Mais bon, what else quand l’intrigue tient la route à suffisance et que le happy end laisse le lecteur heureux d’être venu ?

1/3 - Le 7ème Art des années 60’s (et accessoirement des 70’s).

Cinecitta fut l’équivalent à Rome d’Hollywood à Los Angeles. Deux villes dans la ville, deux usines à rêves entièrement consacrées au cinéma (avec un grand « C » ou sans pour des productions marginales, vite oubliées quand par effets de mode abandonnées). « La Cité du Cinéma » offrait les moyens collectifs humains et matériels de le concevoir, le tourner et le diffuser. Des décors historiques étaient mis à disposition, en trompe-l’œil et en carton-pâte. Des studios étaient réservés. « La cité du cinéma » fut successivement consacrée, en schématisant, à la propagande mussolinienne, au neo-réalisme italien, au péplum, au western spaghetti, aux productions pour la TV… etc.

      2/3 - L’Italie des 60’s et son Miracle Economique.

Un ange passe. Canicule estivale, soleil à profusion, pauses fraicheur à l’ombre des cyprès, nuits à la belle étoile, gastronomie péninsulaire. Ruines antiques et tombeaux étrusques. C’est ici l’Italie romaine, celle d’une ville de rêve, à deux pas des durs labeurs campagnards d’antan. Robes légères ; jeunes filles, belles et bronzées, aux sourires engageants ou réservés. Starlettes de sortie, Cinecitta est proche. Il suffit, parfois, d’une passion pour les « images qui bougent » pour que naisse un Cinéma de génie, celui qui prit, par exemple, la Fontaine de Trévi pour cadre et pour symbole des 60’s la plantureuse Anita Ekberg. Le soir venu, les riches villas s’illuminent.  Que la fête commence.

3/3 - Le Western Spaghetti:

« Les enfants de Cinecitta »), imagine-t ’on d’emblée, pourrait être l’écho nostalgique et facile de l’œuvre de Sergio Leone (et d’autres réalisateurs de renom). Certains des films du Maître ressurgissent de nos mémoires à la lecture de la 4 de couverture. Le lecteur s’attend, mais en vain, à l’homme à l’harmonica (« Il était une fois dans l’ouest ») ou à Blondin (« Le bon, la brute et le truand ») avec ses deux sortes d’hommes, en bout de pelle ou de révolver, c’est selon qui doit creuser … Les magnifiques B.O.F. d’Ennio Morricone renaissent sur les tympans, au fil des mots, en empreintes sonores si caractéristiques du genre. Thilde Barboni ne mentionne pourtant Leone et le musicien qu’en ricochets brefs et tangentiels, semble presque les oublier … Et c’est volontaire. L’intention semble ailleurs : dans l’hommage à rendre à Cinecitta dans son ensemble, via ses nombreux films oubliés plus que par ceux passés à la postérité, dont on a déjà tant parlé. L’auteure choisit donc un autre chemin, l’humble parallèle des westerns de série B, tournés dans l’urgence et à la chaine par un modeste réalisateur aux budgets serrés. Les acteurs de Thilde Barboni, s’ils brisent comme attendu les codes antérieurs du western US, ne paraissent qu’ébauches de ce que le genre offrira à la postérité, c’est l’humble travail d’un précurseur aux commandes, le personnage principal de « Les enfants de Cinecitta ». L’itinéraire-bis d’un cinéma un cran en-dessous est au final pertinent et judicieux ; il s’approche au plus près des raisons d’être de Cinecitta conçue comme une Usine à Rêves, un moyen économique, industriel et universel de concevoir le 7ème art.

Une histoire d’amour en filigrane. Celle, hors cadre, de plein pied dans la réalité, mais fantasmée, entre un réalisateur et son amie d’enfance partie jouer les Marilyn Monroe-bis à Hollywood.

En conclusion :

Quel pari difficile, il me semble, que cette fiction romanesque enclavée dans sa jumelle cinématographique ? D’autant que cette situation se complique à son tour d’une tierce présence, celle de la réalité cherchant à se nicher entre elles.

« Je suis incapable de dire les choses clairement. Je suis juste bon à essayer de les mettre en scène, de les faire jouer par d’autres. La réalité, je ne parviens à l’exprimer qu’en passant par la fiction. C’est pour cela que je fais du cinéma. »

Le tout, donc, monté en poupée-gigognes, était ambitieux. Thilde Barboni ne se sort pas si mal que çà d’un entrelacs atypique qui fait la force de l’œuvre. Elle fait dans la clarté et la simplicité et çà fonctionne. S’il est un bémol, je titillerai gentiment, me chagrinant d’un manque de consistance, de détails, de pages consacrées au Western Spaghetti. Mais on ne peut pas tout avoir, et ce que j’ai eu sous les yeux, cette histoire tendre et attachante, m’a suffi à un bon instant de lecture.

PS : Qui se souvient de « Cinema Paradiso » sur grand écran (de Guiseppe Tornatore, 1988, avec Philippe Noiret, Jacques Perrin et Brigitte Fossey) ? Le long métrage s’y fait l’écho nostalgique de l’Italie des années 40’s quand le cinéma donnait son plein essor populaire dans les immenses salles sombres dédiées de la moindre petite ville. Un enfant pauvre y trouvait la vocation au contact d’un vieux projectionniste et devint réalisateur de renom. Ce film, que j’avais largement apprécié, m’a conduit tout naturellement à lire « Les enfants de Cinecitta » via un pitch tout à fait voisin (le titre, habile, mentionnant d’une part un lieu magique et d’autre part une généalogie testamentaire ne pouvait que m’attirer).

Re-PS : Un gros projecteur bruyant, en fond de salle bondée, par-delà les têtes tournées vers l’écran ; de la pellicule dévidée comme à l’infini d’une bobine à sa jumelle, comme d’un anneau de Moebius à l’autre ; des images sur le fil lumineux d’une lanterne magique. Un public familial, rigolard et passionné, un héros de western en cache-poussière, un réalisateur populaire, un film sans grosse ambition si ce n'est celle de divertir, un long métrage dans une série, presque un feuilleton : « Les Aventures de Black Bastard ».

 


 

5 commentaires:

  1. Me souviens de la réaction effarée d'Anouck Aimée sur le tournage du plus célèbre film de Lelouch. Passer de Cineccita à un réalisateur qui tournait caméra à l'epaule juché sur une bagnole ... le choc.

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    1. Oui, SV. Deux mondes s'affrontent et pourtant s'entremêlent. Ils sont issus du même berceau. Chacun sa manière de tourner. Et nous de les percevoir ....

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  2. Accessible sur Arte-TV (jusqu'à ????) un passionnant portrait filmé de Sergio Leone, le parrain du western-spaghetti.

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