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mardi 18 mars 2025

Les fesses à Bardot – Pelaez & Séjourné (BD)

 

Bamboo Ed., Collection Grand Angle (2025)

J’aime les vieux films. Français et en noir et blanc. Ceux des 40’s, 50’s et du début des 60’s. Qui bercèrent d'étincelles (quoiqu’hélas trop rarement .. !) mon enfance dans les salles obscures, loin désormais d’une TV omniprésente mais bien falote. Ce fut une façon de concevoir le 25 images/seconde d’alors, proche de ce que l’on entrevoit dans « Cinéma Paradiso ». C’était le temps d’avant, au creux des 30 Glorieuses, quand le temps prenait le pouls d’une France tranquille, naïve et bienheureuse mais qui ne s’attendait pas à s’effacer si vite.

J’aime les acteurs de ce temps-là, leurs répliques offertes à la postérité, leurs gueules de mâles, leurs minois charmants ou sexy, leurs faciès de demis-sel, leurs colères, leurs folies, bonheurs ou coups de blues, leurs éclats de rires. Après, ce ne fut plus pareil. J’ai lâché la rampe. Mon cinéma est mort. En vint un autre qui semblait tout gommer de ce qui précédait. Peut-être ne suis-je, après tout, qu’un vieux con à me nourrir d’antiquités ?

Au pays hexagonal des robes Vichy, « Les fesses à Bardot » nous embarque dans la France profonde de la fin des fifties. On est à « Trognac-Quelquepart-en-France », « Trognac-Les-Bains » si vous le voulez, « Trognac-Village » ou « Les-Eaux » si vous le souhaitez. Peu importe. C’est la France à BB, dans l’idée mâle qu’on s’en fait. « En cas de malheur » vient de sortir à Paris, on y voit BB debout de dos, calée à un angle de bureau, remontant lentement sa jupe face à un Gabin qui va y perdre son âme.

A Trognac, en ces temps-là, en récurrence scénaristique classique, « Un homme est venu ». C’est Conrad Knapp, un étranger hypocritement tentateur, qui poussera les villageois un pas trop loin. Descendu de sa belle 203 Peugeot, c’est un bel homme jeune, bien mis de sa personne ; il a un faciès de représentant de commerce inspirant confiance.

Il va appâter les nigauds.

Knapp est un repèreur de ciné. Scénario en poche, tout frais tout neuf, celui d’un film à venir avec Gabin et Bardot. Un appareil-photos en bandoulière, des promesses de tournage, juré craché, suffirait d’un accord, celui du maire et du conseil municipal. Car Trognac ferait l’affaire, un coup de chance pour le bourg, suffirait de pousser l’homme du bon côté, de le détourner de la concurrence du village voisin.  Juste lui coller une belle fille dans les pattes, la plus belle chambre de l’hôtel, des billets de tombola gagnants, des dessous de table… Lui, de son côté possède un ultime argument, et il est de taille : une photo en poche, discrètement montrée en appât à ces naïfs messieurs d’un autre temps, celle montrant les « fesses à Bardot », coupée au montage de « En cas de malheur ».  

BB à Trognac, presque à dispo, un rêve inégalable… !

Trognac, son église délabrée, son ciné high-tech (pour l’époque.. !) et ses affiches de films à venir ; ses tronches de France profonde ; ses conflits d’egos à la « Clochemerle » de Gabriel Chevalier ; son curé Dom-Camillo-Fernandel ; ses bigotes ailes de corbeau et langues de vipères, son maire à la Peppone. Trognac encore : ses femmes au foyer à discuter sur le pas des portes ; ses messes dominicales ; son prêtre au perchoir, donneur de leçons et gentiment hystérique. Son chatelain, aristocratique en diable, qui a donné les sous pour que le ciné se monte. Trognac toujours : son football du dimanche après-midi, tombola incluse. Sa jolie fille comme une promesse de chair, belle allumeuse en espoir de monter à Paris. Son bistrot Ricard et brèves de comptoir, ses vélos qui pédalent, ses rares autos qui roulent paresseusement, ses rideaux curieux qui se soulèvent doucement dans la brise d’été.

Un petit monde, en somme, où monter une comédie satirique ; se payer, en le lisant, une belle tranche de rigolade. Une BD sans prétention si ce n’est celle de montrer de belles images et couleurs entre réalisme et caricature ; de filer vers une belle réussite où les acteurs sont bien campés dans leurs qualités et faiblesses, où le lecteur se prend à tourner les pages lentement, pour goûter peu à peu tous les détails, pour ne pas fondre trop vite vers l’épilogue, même si on pressent qu’il sera un peu cousu d’avance. 160 pages de pur bonheur à deux doigts du « trou normand » (Bardot et Bourvil)(1952) où les gens du village se tirent la bourre pour une peccadille qui rompt la monotonie quotidienne et donne des couleurs vives aux jours qui passent. « Les fesses à Bardot » tire aussi vers le « Bazaar » de King, mais, rassurez-vous, il n’y a pas d’affreux Diable tentateur, rien que de bien beaux sourires nostalgiques en échos d’un temps évaporé où il faisait bon vivre.

Et puis, tiens, pendant que j’y pense, il y a un parfum « Dernière séance » d’Eddy Mitchell dans tout cela. Pour que survive, dans les mémoires, un Age d’Or du 7ème Art tissé d’arcs-en ciel en noir et blanc.

Je conseille. Vivement.

J’ai eu, lisant cette BD, l’impression d’un voyage dans le temps, celle de retourner sur les lieux de mon enfance ; là où, j’en ai fait l’expérience récente, tout m’a paru maintenant moins grand et rétréci à l’essentiel, à une douce vie qui fut alors bien heureuse, et dont il convient de sauvegarder la saveur sucrée. 


 

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