Réédition 1993 in J'ai Lu les Classiques n°844
« Lettres de mon moulin »
(1873), un recueil d’Alphonse Daudet.
Mes souvenirs en sont désormais
confus. Etais-je, à première lecture, minot à la communale, blouse grise, plume Sergent Major et crayon ardoise, ou jeune ado au collège ?
Durant les 50’s ou les 60’s d'une France sereine ? Va savoir maintenant ? Quand tout, dorénavant,
s’embrouille et s’emmêle de mes jeunes instants de lecture enfuis. Les ai-je
même déjà lus ces « contes, impressions et souvenirs » de Provence,
de Corse ou d’Algérie… etc. Je ne me souviens plus, tout s’est hélas gommé,
effacé, dilué, fragmenté et reconstruit en puzzles anarchiques voire anachroniques. Là où, sous le
poids des ans, le temps joue à cache-cache entre réel et souvenirs inventés, je
n’ai plus aucune certitude d'être entré dans le Moulin.
Pourtant, lecture close, des
bouts m’en restent; comme autant, peut-être, de greffons trempés dans la
mémoire collective.
A la maison, jadis, tournait une
galette de cire noire sous le bras de la cellule, la pointe du saphir creusait son
sillon dans le vinyle. C’était un petit électrophone mono que ma mère avait
acheté pour écouter (et chanter) Joséphine Baker et sa Tonkinoise, Piaf et son
Légionnaire, Vincent Scotto et Fréhel, Reynaud et son plombier, Aimable et son
Orchestre …
Là, pour le coup, c’était la voix
ronde de Fernandel lisant, 33 tours un tiers à la minute, Daudet et son
moulin (1954). Il y était question, au cœur du volume 1 de Cucugnan et de
Seguin. Depuis, le LP s’est fait la malle (le Teppaz aussi), prêté mais jamais
rendu.
Minot encore, au ciné familial
d’une salle de quartier, sous la direction de Pagnol, passa un film à sketches éponyme
(1954), en noir et blanc, qui embarquait la crème méridionale des acteurs d’une époque :
Sardou, Rellys, Panisse ... etc. Le long métrage n’a plus l’honneur du prime
time TV, une paille a coulé sous les ponts depuis mon dernier visionnage.
Les « Lettres de Mon Moulin »,
lus ou pas, je n’en ai ainsi que des souvenirs greffés, audio vinyliques et
cinématographiques. Il aura fallu récemment une BAL s’ouvrant sur une réédition
de 1993 en J’ai Lu Classiques. En bas de 4 de couv, une mention curieuse :
« Gratuit - ce livre ne peut être vendu. Chamois d’Or, mordez dans sa
douceur ». Un exemplaire malgré tout comme neuf, semble t’il vierge de
toute lecture, pour preuve le dos non cassé, la couv non écornée. Quel dommage,
que cet abandon, pour un bouquin qui dort toujours dans le cœur des hommes.
Et puis, il y eut sous mes yeux
ébahis, il y a quelques années, ce miracle de littérature qu’est « Contes du lundi ».
Il ne m’en fallut pas plus pour rattraper le temps perdu ou celui, figé, d’une
lecture oubliée mais peut-être ici retrouvée.
De bien curieux personnages m’attendaient,
avant tout humains dans leurs qualités et défauts, gravés dans la mémoire
collective, figés dans une prose de toute beauté, travaillée au millimètre :
un berger et sa chèvre folâtre ; un curé gourmand et ses messes basses bâclées ;
celui de Cucugnan aux portes de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis ; un
meunier solitaire à contrecourant des minoteries à vapeur ; une mule revancharde ;
un moine fin goûteur et addict d’élixir dorée … etc
Le recueil s’est refermé, la dernière page s'est tournée. N’en
surgit qu’un bémol hésitant, la certitude qu’écrivant ici mon ressenti, je ne pourrai désormais
l’évoquer qu’en soulignant que bienheureux seront celles et ceux qui y feront
leurs premiers pas en compagnie d’Alphonse Daudet.
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