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mercredi 5 juin 2019

Rory Gallagher (1948-1995)






« Un bel homme et un incroyable guitariste. C'était un homme très sensible et un grand musicien. » The Edge (U2)

Gallagher me manque. 
Ô Combien..!
Depuis 1995, année de son décès. 

Il était blanc, de peau, mais pas d'âme; toute sa vie tournée vers la musique noire.
Un virtuose de la six-cordes, courant les gammes pentatoniques sur le manche, creusant son chemin dans l'amour du blues qu'il portait depuis l'enfance, au-delà de ses racines celtiques.

Un diable d'irlandais du sud, aux éternelles chemises écossaises à gros carreaux, désormais tout là-haut, au paradis des musicos rock, griffant le blues sur sa Fender au vernis écaillé, délivrant ses 12 mesures et ses boogies, face aux anges à cheveux longs qui, du pied martèlent les tempos et du poignet avalent Guinness sur Guinness.

Gallagher, depuis trop longtemps au paradis de la mousse et des décibels... du rock et de ses aficionados.

Que soit louée son âme à la musique du diable offerte. Il a laissé, ici-bas, une empreinte indélébile et des souvenirs inoubliables, un public fidèle à qui il a tout donné et de qui il a tout reçu.  Sa pleine mesure en concert était légendaire: de la sueur, de l'âme; des shows explosifs, soir après soir, délivrés comme on remplit une mission. Gallagher fut un passeur intergénérationnel, celui d'un blues qui jamais ne lasse et continue à vivre quand passent les modes.

Deux fois sur scène je l'ai vu, à Karlsruhe (RFA) en 1978 quand il mettait beaucoup de hard dans son blues; à Saint Etienne, plus tard, en 1986 quand il revenait aux origines, moins tonitruant mais tout aussi jubilatoire.
Les meilleurs concerts de ma vie, sans conteste. Deux moments d'exception. Qu'il en soit remercié.

L'homme était humble et modeste, le musicien aussi.
Pas comme tant d'autres ...

Sur scène, 50 ans durant, j'en ai vu quelques uns de ces m'as-tu-vus du rock qui habillaient leur musique de looks improbables, inversaient presque les priorités, privilégiant la forme au fond: des déguisés de carnaval sur talons télescopiques, maquillés au kilo sous des light shows démesurés; des longs barbichus fillasse sous Stetsons étroits, par deux, au-dessus de grattes à fourrure ...

Gallagher montait sur scène, comme il était, une heure avant le show, au bistrot du coin avec ses musiciens heureux et rigolards: accoudés au zinc, devant une symphonie de bières fraîches. Il se savait à l'abri des dédicaces, dans le respect tacite de ce qu'il désirait être: un homme tranquille. Sa garde-robe était la notre, jeans délavés, cabans élimés, longs cheveux ébouriffés. Son public et lui, vêtus comme tous les jours, bientôt dans la même sueur, dans la même transe, au coeur des mêmes instants d'exception que chaque soir il s'efforçait de recréer, sans lassitude, jusqu'à plus soif, jusqu'à sa mort... Merci Monsieur Gallagher, pour ce don de vous. Si une part de ce que vous étiez doit rester parmi nous, ce sera çà: cette capacité à offrir sans tricher ni compter, malgré la maladie qui peu à peu vous minait, la fatigue qui rongeait les ultimes calories ...

Son message était ailleurs, au bout de ses doigts, dans ses cavalcades de phalanges courrant sur les frettes, dans ses notes arcs-en-ciel qui donnaient des couleurs chatoyantes au blues N&B de l'ordinaire des simples faiseurs. Gallagher sortait de l'ombre le temps d'un set; irradiait de punch et de feeling; puis s'effaçait, affaire faite, sage et heureux, dans les coulisses obscures. S'ouvrait alors pour lui un autre temps, celui de l'anonymat tranquille. C'était sa nature et nous l'aimions pour çà: lui si proche de ce que nous étions nous-mêmes. Lui qui, en dehors des planches, se montrait discret et réservé, Monsieur Tout-le-monde, peu soucieux d'une image de marque à l'égale de celles voyantes et raccrocheuses de stars surfaites en déficit de talent. Passent les unes, survivent les autres.

Il s'est voulu, toute sa carrière durant, fidèle au power-trio (guitare, basse, batterie), cellule de base du rock, usant de la formule comme d'une évidence. Mais, pouvait t'il en être autrement le concernant ? Les twin-guitars, très peu pour lui. Trop de virtuosité et de charisme à lui seul réservés. Un second guitariste, à ses côtés, aurait été de trop, rien qu'une ombre insignifiante et inutile. Il était rythmique il était soli, tout autant, les deux imbriqués en  un ciment solide, une patte, un style, une empreinte à nulle autre pareille. Gallagher, sur scène, prenait tout l'espace, toute la lumière, squattait le temps, focalisait les regards et les oreilles, absorbait l'attention.  

Il parcourut le monde sous son nom, accompagné de musiciens jusqu'auboutisme fidèles ( Gerry McAvoy, bassiste par exemple). Mais, ne vous y trompez pas:  il s'est toujours présenté sur scène non pas tant comme leader que comme élément d'un tout. Le Rory Gallagher Band était un combo soudé, une réalité collective, qui s'était amputé du dernier terme on ne sait pas trop pourquoi.

Gallagher est mort . The show must go on. Mais quand même..! RIP

Cet article en souvenir de quelques mois passés à Bühl Picaud (RFA), à Marc de Chamalières, à Clapton, à Santana, à une affiche-concert de Guru Guru (décollée d'un mur), au BOC.

Rory Gallagher - What In The World (BBC Sessions 1999)

Rory Gallagher - Shadow Play (Montreux 1979)


Statue de Rory Gallagher à Ballyshannon

5 commentaires:

  1. Ouah, que de souvenirs....J'écoutais ça quand j'étais à la fac !
    LePamplemousse

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  2. J'écoute toujours Rory , j'ai le Live In Europe ...c'est quelque chose .
    Patrick (du forum - Bruss) .

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    Réponses
    1. "Live in Europe": peut-être son meilleur live.

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    2. Je l'ai vu à deux époques distinctes de sa carrière. 1978: versant hard de "Photo-finish" et "Top Priority"; 1992/1993 versant blues rock époque "Fresh Evidence". Mon coeur balance pour la deuxième. Mais à chaque fois: une constante, celle de lui voir tout donner pendant deux heures. Impressionnant.
      PS: la deuxième fois fut sans doute le meilleur show que j'ai jamais entendu.

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  3. Je viens de trouver cette formule concernant Rory Gallagher quelque part sur Facebook: "le plus grand guitariste dont vous n'avez jamais entendu parler ". J'en ai perdu l'origine (pardon à celui qui la mis en mots) et ne peut rendre à César ... Mais vrai il y a de çà, la simplicité du guitariste n'en a jamais fait une star et pourtant ... il aurait mérité plus que l'ombre de certains.

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