Neil Young est toujours là.
« Rock n’ roll is here to stay »
Weld n'est qu'argument, saurait pu être un autre des enregistrements en public, "Live rust" par exemple. L'article n'est qu'un hommage à Young sur scène, qui électricité au bout du manche, continue en 2020 à électrocuter les planches.
Lui, qui s’est toujours torché le cul des modes qui passent,
traverse vaille que vaille les décennies sans craindre les répétitions. Il se
montre encore fidèle à lui-même, à sa manière d’entrevoir la musique, la vie
elle-même. Au-delà du simple succès d’estime et de reconnaissance de longévité
qu’il mérite, il s’est fait mythe « still alive and well » vivace,
pugnace et toujours fécond. Il a attiré la faune
hippie au crépuscule des 60’s et à l’aube des 70’s ; il a souffert mais
survécu aux mornes années 80 ; la mouvance grunge le ressuscita à l’orée des
90’s, elle le proclama godfather du genre (quel honneur à l’égal de Lemmy
Killmister qui le devint pour le punk-rock .. !). Sa singularité et sa vitalité font
sa force et son succès. Il ne vit que de son art, pas d’un rock
business qui n’a jamais pu l’insérer dans son moule formateur, le cadrer dans
ses positions politiques.
Entre les éternelles deux facettes opposées qu’il affiche en
une éternelle dualité pôles +/-, du tranquille Dr. Jekyll acoustique,
serein, mélodique et presque heureux au Mr Hyde électrique démantibulé
et écorché vif qui se hérisse sur scène, il ne pourrait être désormais que l’ombre
de lui-même, juste une banale icone vieillie, attachante par nostalgie, sortie
de la naphtaline, piquée aux mites, rabâchant son art et sa manière. Des
sixties et seventies évanouies aux 20’s incertaines que nous connaissons, il s’est
payé le luxe d’être en phase avec le monde, de le dire, de le chanter, de le
jouer, d’en disséquer les forces et les faiblesses. Non, le mythe continue,
on sent l’homme toujours en recherche d’un futur, gourmand de projets et de
combats.
Je le préfère live et électrique. Il me laisse pantois et
heureux quand, des six cordes de sa Gibson jusqu’à l’ampli, via le cordon
serpentant sur les planches, coule alors du plomb fondu, ce son blanc qui est
sa marque, incandescent et brut de décoffrage, bourré d’artéfacts dissonants,
brûlant comme de la pâte de verre rougie sortie du four. Les cordes se font râpe
sur la pulpe des doigts, l’homme les frappe comme un batteur martèle ses peaux.
Un magma sonore jaillit en un fouillis inextricable ; une jungle de croches
se télescopent l’une l’autre en un bouillonnement de notes écorchées, dermabrasées,
délabrées, éclatées, arrachées du manche en virgules de copeaux sonores ; des
notes en amas de sciure gisent sur la scène. L’image n’est pas vaine quand, en canadien
pratiquant, il affine sa silhouette de lourd bûcheron d’une éternelle chemise à
gros carreaux et d’une manière de danser qui l’apparente à un grizzly pataud. Il
se donne à la tâche comme on scie de fond, en coups de rein, en force, à la
poussée d’adrénaline, à la lutte viscérale contre un mur du son à enfin fissurer,
à démantibuler à coups de riffs béliers, de solis ébouriffés dont il triera le
flot de notes plus tard quand, le show finissant, nos tympans encore bourdonnants
(il a la réputation de jouer fort), on le verra quitter la scène enfin apaisé et
satisfait du bonheur qu’il vient de nous offrir.
Peu dire que çe déferlement, entre balade et hard rock, surprend et repousse au premier contact. Mais on s'y fait et on en redemande. Le son est crade, râpeux, sombre et grouillant. Les dissonances pullulent, vrillent et macèrent. Les scories incandescentes, qu’il ne cherche guère à maitriser ne feront pas oublier que l’autre Young, mélodique et serein, existe et fait vibrer tout autant, et qu’il vaut mieux commencer par cet aspect-là du personnage. Essayez l'album Harvest, il n'est que douceur, mais méfiez vous du bruit que l'on n'y entend pas encore.
Hey Hey, My My (Into the Black) (Live)
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