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mercredi 23 décembre 2020

Un hiver de clown - Jeremiah n°09 - Hermann

 

Novedi Ed. (1983)

 

8 tomes déjà, derrière nous. Voici le 9ème.

Jeremiah, de nouveau, en ces temps post-apocalyptiques ...

Après les déserts surchauffés, les mégapoles en ruines, la monotonie des Grandes Plaines, la moiteur du bayou, Hermann nous propose l'hiver, la neige, le froid, la solitude des grands espaces boisés et surtout la mer. Le décor, en approche lente, se met en place: un port désaffecté; des navires rouillés pris dans les glaces, un ex bateau de croisière définitevement à quai. Son nom: "L'Arche des naufragés du froid" dixit un résident. Pour Jeremiah et Lena: un refuge temporaire contre la mort par le froid, dans l'immensité des bois, sous la neige comme un linceul. Trop beau pour être vrai en ces tristes temps post-apo. Se méfier. D'autant que de bien étranges passagers rôdent sur les ponts, dans la capitainerie et les cabines: des déclassés, des rejetés, des parias, des délaissés, des infirmes, des faibles d'esprit ... peut-être des mutants. Des vêtures de cirque pour chacun, comme autant de taches de couleurs vives dans l'immensité blanche. Ne pas se fier à l'air de fête qui plane sur cette faune déjantée et méchamment rieuse. Les visages laids semblent mordus de grimaces haineuses, perclus de rires sans rime ni raison. Un patriarche règne en maître, avenant quoique hypocrite, trop calme et posé, paternaliste, mais regards en coin et propos troubles et dissonants.

 

La chasse à courre, juste histoire de rire, va bientôt commencer ... Qui pour le rôle de gibier ?

La suite appartient au récit ...

Bienvenue, lecteur, en ce port glacé, celui de l'angoisse diffuse, qui fera part belle à un Fantastique d'atmosphère, sans se mêler de SF (ou si peu), si ce n'est celle qui sous-tend l'ensemble de la série.

Comme d'habitude, Hermann s'en sort bien. Sauf que ... quelques bémols traînent de ci de là.

Le cycle post-apo mâtiné western qu'Hermann consacre à Jeremiah a pris son rythme de croisière et file désormais sur l'aire d'un succès justifié. Le dessinateur-scénariste n'a plus rien à prouver. Le talent est là, le lectorat aussi, la critique pro itou qui apprécie le job effectué. Néanmoins, avec "Un hiver de clown", Hermann va user des grosses ficelles graphiques éprouvées au détriment d'un scénario relâché, marquant le pas. Le récit s'en ressent, ses faiblesses d'intrigue peinent à renouveler l'effet de surprise. Si le tome qui nous occupe explore une fois de plus, presque en one-shot astucieux et judicieux, un élément du background post-apo jusqu'alors resté dans l'ombre, les personnages s'affadissent et nous laissent un peu dans l'indifférence de ce qu'ils sont, de ce qui leur arrive et va advenir d'eux. "Un hiver de clown" se fait simple tome de transition. Ce constat d'un ventre mou dans la série fait suite à l'absence d'un personnage d'importance jusqu'alors récurrent: Kurdy.

L'épisode précédent s'était conclu sur une grave dispute entre Jeremiah et son compagnon de route et ami, différend qui les conduit désormais à mener des chemins séparés. Le trublion gouailleur est allé porté son cynisme mordant et son espièglerie ailleurs. Le texte d'un unique phylactère lui est consacré, il est assorti d'un banal renvoi en bas de page vers l'opus précédent.

Kurdy n'est plus là, Jeremiah l'a lourdé, En échange, on récupère Léna, la désormais petite amie du héros. Mais la gente demoiselle parait bien fade et trop sage au regard de ce qu'Hermann pouvait obtenir de Kurdy en termes d'effets dramatiques et humoristiques. En contrepartie, Jeremiah, désormais sexué au yeux du lecteur, promet des potentialités jusqu'alors inabordables. Coup double possible, on le pressent, si le trublion revient un épisode ou l'autre, en parallèle avec Léna, lourd de ce qui faisait de lui le vrai héros de la série.

Bientôt Kurdy de retour sur vos écrans BD, sa gouaille infernale et éternelle, son casque military police cabossé, sa mule Ezra obstinée et revancharde, ...! J'en prend le pari. La série ne peut continuer sans lui.

Le cycle, sur son élan, file sur son aire. Herman, désormais, connait la recette graphique à appliquer. Que ses vignettes enneigées et glacées sont belles et inspirées, elles suivent des ficelles dignes du 7ème art qui, appliquées au 9ème, laissent pantois: plongées, contre-plongées, panoramiques .... Reste, que pour une fois, le scénario marque le pas. Ou alors, c'est moi, qui ne fut pas en état de réceptivité optimale. Ce qui ne m'empêchera pas, d'envie, de me jeter sur le tome suivant.




 

10 commentaires:

  1. en lisant ton résumé, je l'imaginais adapté en film.. ça en ferait un bon film d'horreur !surtout avec des clowns ...

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    1. Oui, en effet, le thème à suspense de la chasse à courre, le découpage visuel et la manière cinématographique de composer les images s'y prêtent déjà. Il y a de la rapidité dans la lecture, un axe tourné vers la mobilité de l'action, même si le paquebot désaffecté fait huis-clos.

      Concernant les clowns je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ils inspirent tant de peur chez certains. Bien sûr, "Cà" de King est passé par là, à changé la donne, en jouant d'une bipolarité intrigante entre habits de fête, sourires carnassiers et voix d'outre-tombe. Je les entrevois tels que les cirque les montre: rigolards, blagueurs, facétieux; à la limite seul l'auguste sentencieux et moralisateur m'intrigue.

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    2. je sais pas non plus , mais en ce qui me concerne, je ne les aime pas, et je n'ai jamais vraiment aimé les poupées non plus..

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    3. Clowns et poupées en Fantastique semblent jouer de ressorts identiques pour provoquer angoisse et peur: de base, de part leur statut ludique destinés à l'enfance qui découvre peu à peu le gris des hommes entre le blanc et le noir, ils se prêtent très bien à l’ambiguïté du retournement de polarité pile/face. De la même manière les Gremlins semblent jouer de cette dualité gentils/méchants et font peur aux enfants via l'énigme qu'ils imposent. Mais ils semblent aussi secouer les adultes, peut-être se font t'ils délices de renouer avec les craintes de jadis, celles sous le lit ou dans le placard ?
      De parler d'eux me donne envie de retrouver "Cà"; King, à sa manière, a du expliquer la force de son clown au travers du regard de ses petits héros et plus globalement démonter les leviers de nos peurs d'antan.

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    4. Un clown en terre Fantastique c'est un peu comme un bonbon bien propre sur lui, avenant dans son papier d'emballage arc-en-ciel et qui sous la langue se montre, contre toute attente, bien acide et répugnant au goût; sans compter que l'on sait qu'en son noyau pâteux attend le pire. Ici, réside le succès de ces bonbons d'Halloween infâmes que nos bambins adorent.
      Itou pour certaines friandises d'Harry Potter dont les noms sont déjà un vrai régal d'imagination.

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    5. Citation issue d'HP: « Tu as vu les Fizwizbiz, Harry ? Et les Gommes de Limaces ? Et les Suçacides ? Fred m’en a donné un quand j’avais sept ans – ca m’a fait un trou au milieu de la langue. Je me souviens que Maman lui a donné des coups de balai. Tu crois que Fred mangerait quelques Nids de Cafards, si je lui disais que ce sont des cacahuètes ? »
      – Ron Weasley

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  2. ça, me titille aussi..je crois bien que je ne vais pas tarder à le lire :-D

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    1. Je l'ai dejà lu, ma foi, il y a longtemps et le ressenti d'alors fut très positif. Pour ma part, c'est le meilleur de King et globalement une excellente prise en charge du monde de l'enfance, de ce qui en fait la spécificité et le sel. Chef d'oeuvre, une nouvelle fois, plus de littérature générale que de Fantastique et d'horreur. Tout est dans les digressions..!

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  3. pas mal la comparaison avec les bonbons!

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