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mardi 6 juillet 2021

Troubles de voisinage - Elizabeth George

 

Pocket Ed. 2002

 

Un lotissement banlieusard huppé, made in USA, version « m’as-tu-vu-dans-ma-belle-maison ». « L’endroit parfait pour y vivre » dixit la feuille de choux locale. Jolies façades, jolis jardins à l’anglaise, concours de maisons fleuries, tondeuses à gazon coupe réglée au millimètre, arbustes ornementaux comme sous le burin et la massette du sculpteur. Tout est dans le paraitre ; le reste, l’intime, le pas beau aux entournures, çà se cache, çà se masque, çà se tait comme des incongruités maladroites et imprésentables (oups ..!). Elizabeth George mentionne, l’air de rien, ce versant peu reluisant à petites touches légères, ne s’y appesantit que peu ; le format nouvelle se s’embarrasse pas de digressions, l’important est ailleurs. Les existences se veulent idylliques, doivent à tout prix rester paradisiaques comme dans un «Meilleur des Mondes version « Maisons & Habitats, le mag ». C’est à qui aura la plus belle demeure. Des familles-clones de l’une à l’autre, éternellement souriantes (émail diamant, l’éclair en bord d’incisive) et conviviales. Que des modèles standard sans défauts d’aspect, en copié-collé dans l’entre-soi constant ; chacun joue à qui bluffera ses voisins, à les rendre jaloux et compétitifs dans la surenchère d’ornementation et de bonheur de vivre. Bref, un huis-clos recroquevillé sur lui-même … dans lequel, bien entendu, un vilain petit canard cherchera ses aises (et ses habitudes venues d’ailleurs). L’artéfact prendra corps dans celui d’une vielle exilée russe, excentrique, peu sociable et un tantinet acariâtre qui, maison à peine achetée dans le quartier, y remplacera le gazon par une profusion rampante de lierre et la gloire des arbustes artistiquement taillés par le bêtement attrait utilitaire d’un poulailler. Cà la fout mal, d’autant que, charmante surprise, bientôt des rats ... Ainsi commence la lente valse de la destruction d’un Eden.

Le cadre est triste comme la mort, mais Elizabeth George y entretient un regard, certes sans complaisance, mais bourré d’humour tranquille et serein, délicieusement moqueur des situations et empathique des êtres ; j’y entrevois sa manière, son style. C’est mon premier roman de l’auteure. Je suis convaincu, j’y reviendrai, sûr et certain.

« Troubles de voisinage » : comment définir le genre de cette grosse nouvelle à deux doigts de la novela (90 pages à peine, à grosse police de 30 environ) ? Elle s’apparente longtemps à un conte cruel si ce n’est que, prévient l‘introduction sous la plume de l’auteure, son thème trempe dans le fait divers réel pour sa plus grosse part. Alors : Littérature générale à l’anglaise (c’est bourré de gimmicks so british) dans laquelle la réalité dépasse la fiction ? suspense (Il y a de la mise en abime décapante dans l’épilogue (encore est t’il un tantinet prévisible) ?, fantastique à l’ancienne (quand les rats, tarte-à-la-crème du genre, s’en mêlent) ?, satire sociale doucement sarcastique ? Histoire (avec un grand H) quand, par le petit bout de la lorgnette, l’auteure pointe du doigt un passé dramatique ? Au final, sans nul doute : un mix de tous ses ingrédients.

Ce roman m’est venu en rayon via une opération marketing « un roman offert pour deux achetés ». Il fait partie de ceux, qu’en hors-sphère de nos habitudes de lecture, on entame (et termine, contre toute attente, d’enthousiasme) pour des raisons étonnantes, inattendues et minimalistes (ce petit rien qui les fait passer de l’indifférence presque dédaigneuse qu’on leur désaccorde à l’intérêt soudain). Ce sont des invités-surprise de dernière heure ; ils avaient tout pour ne pas être sollicités mais surgissent presque en pique-assiettes. Ils viennent à nous à la convergence du hasard laissé aux choses (cette fameuse malice qui semble leur appartenir) et des nécessités de l’instant (un livre court, facile, divertissant, pas casse-tête, comme tampon entre deux lectures d’importance). Romans jusqu’alors hors-PAL ; ils prennent l’apex du prévisionnel à court terme, s’imposent, semblent nous dire « Coco, c’est la surprise du chef ». Quelques fois le hasard conduit à l’éclectisme. «Problèmes de voisinage »  m’a sorti, un temps, du ghetto de la SFFF et du polar (Quoi que .. ! MDR). Oh, ce n’est pas un chef d’œuvre ; disons qu’il a su tomber pile poil au bon moment dans un entre-deux désireux de divertissement et de légèreté.

4 commentaires:

  1. J'ai le souvenir que les romans de cette auteure sont plutôt des pavés.. je ne l'imaginais pas en version nouvelle, ou novela :-D
    J'en ai peut-être en PAL, caché quelques part, faudra que je vois ça..

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    1. Deux heures environ à le lire. Pas plus. En outre, le style est limpide, sans heurts. Du beurre ..! Des pavés à 1000 feuilles ? Ecris-tu ? Tu me conseillerais lequel ?

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  2. Et puis on s'en fiche que ce soit pas un chef-d’œuvre ..c'est toujours bien de se divertir ;-)

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    1. Oui, je n'ai pas gâché mon plaisir à le lire, à sourire, à me laisser surprendre par cette histoire apparemment véridique de rats. Le thème de la folie est bien mis en avant. Cà m'a rappelé le syndrome de Diomède rencontré dans un (aussi) court roman de Jonquet

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