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samedi 30 juin 2018

Arthur Cravan - Jack Manini





2018, Grand Angle Collection, Ed. Bamboo

Certains artistes ont des existences atypiques, hors normes; pour peu que les rêvant, les souhaitant ardemment, ils les transposent dans la réalité au nom de la passion et au-delà de la raison.

Concernant Arthur Cravan, c'est presque d'une sorte de "Poetic n' Boxing Attitude" dont il s'agit.

Les vies de ces hommes sont les fruits de désirs exacerbés assouvis à n'importe quel prix. Elles naissent de choix délibérés profondément enracinés; de la volonté farouche et égoïste, presque désespérée, d'échapper au sort commun. Elles se nourrissent de l'espoir d'échapper à la masse bêlante des contemporains.

Se démarquer, exister dans l'accomplissement puis la force de ses passions, de ses fantasmes.
Il ne faut pas se rêver une vie, mais la vivre.
Si possible dans l'exubérance et le goût savoureux de chaque instant.

Arthur Cravan est de ces êtres-là.
Obstinément et sans retenue.
Mais tout ne se passera pas comme il l'aurait voulu.

Cet ouvrage édité en 2018, signé Jack Manini, dessinateur et scénariste de BD, est la biographie romancée d'un homme peu connu, inattendu, à la personnalité complexe et contradictoire. Le lecteur suit son tragique destin juste avant et pendant la Première Guerre Mondiale. C'est aussi le portrait coloré, astucieusement reconstitué et réussi de certains milieux artistiques et de lieux à la mode en ce début de vingtième siècle.
Arthur Cravan va y promener sa haute carcasse de géant (il fait plus de deux mètres) au gré de ses conquêtes amoureuses, de ses fuites en avant face aux avancées guerrières, de ses combats gagnés ou perdus, de son amour de la poésie... etc.

Cravan est un pseudonyme. L'homme est né en Suisse en 1887 de parents britanniques aisés: les Lloyd. Une mère haïe dont il espéra longtemps l'amour mais finira par fuir pour Paris et sa vie de Bohême. Une mère vers qui il reviendra à chaque gros coup dur. Un frère aîné préféré d'elle, vite jalousé. Ce dernier, devenu peintre, initiera la haine farouche de Cravan du milieu de la peinture.

Un milieu familial qu'il abandonne alors que naissent ses rêves:
Il se veut poète, boxeur stylé, critique littéraire .... Il se veut oeuvre d'art à lui tout seul.
_ boxeur amateur, champion de France des mi-lourds déclaré vainqueur par abandon de son adversaire qui ne s'est pas présenté. Inventeur de la "Very boxe". Adversaire de Jack Johnson, boxeur américain noir, champion du monde des poids-lourds.
_Critique littéraire et poète, il est l'éditeur et le seul rédacteur (ce qui n'empêche pas l'usage de pseudonymes) de la revue littéraire "Maintenant" où il aligne excentricités et provocations. Il recevra les témoins de Guillaume Apollinaire en vue d'un duel qui n'aura pas lieu.

Cravan mettra tout en oeuvre pour parvenir à la fortune plus qu'au renom. Il considère "l'art comme un moyen et non comme un but".
Il ne s'abandonnera pas au destin promis de part sa naissance, à la fatalité d'une vie réglée par les convenances des gens de son rang.
Quitte à mentir aux autres et à lui-même, quitte à affabuler, quitte à user d'un brin (ou plus ?) de mythomanie.
Quitte aux polémiques ou grâce à elles.
Quitte aux conséquences. Quitte aux échecs.
Quitte à la fuite devant la menace car sa vie ne se fera pas sans celle des autres de 1914 à 1918. Il lui faudra composer, faire avec. De 1914 à l'Armistice. Cravan, à cause de ses 2 mètres, se cauchemarde cible facile dans les tranchées. Il fait le choix de la désertion et de l'exil (Espagne, New York, Amérique du Sud...)

Carvan est tout et son contraire.
Il y a tant à découvrir ENCORE au sein de l'ouvrage.

Jack Manini, l'auteur, étale Arthur Cravan sur plus de 200 pages format A4. L'ouvrage se montre long roman graphique passionnant, savoureux et efficace. Il est didactique et pousse à en savoir plus. Je ne connaissais pas Arthur Cravan, le mouvement dada ne m'était pas inconnu... quant à Jack Johnson, belle histoire que la sienne.
C'est une histoire vraie servie par un raconteur d'histoires né.
Scénario et dessins ne sont pas à la traîne l'un de l'autre mais forment un noeud indissociable qui donne sa pleine efficacité dans la souple avancée de l'intrigue. L'agencement des vignettes et des phylactères au sein des pages est un bonheur d'esthétisme calculé. Le contenu des bulles n'est ni bavard ni trop sommaire, il tient le juste milieu pour rendre passionnante l'histoire d'un homme si énigmatique. Mention très spéciale aux couleurs soigneusement choisies au regard de chaque situation, finement apposées.

Un vrai et long travail de pro au service d'un lectorat qui ne pourra que le constater et l'apprécier à sa juste valeur.

Merci Mr Manini, Babelio, Masse Critique et la collection Grand Angle.

Voilà j'ai fais mon job. Avec plaisir et délectation. Je vais ranger le bel objet sur les rayons de ma bibliothèque... et y reviendrai un jour car c'est une BD qui se relit, qui comme Arthur Cravan a plusieurs vies..










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