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lundi 25 juillet 2022

Harpo – Fabio Viscogliosi

 


Actes Sud ed., collection « un endroit où aller »,  2020.

 

Harpo (1888-1964) fut, au cinéma et dans la vie, l’un des cinq Marx Brothers (Croucho, Harpo, Chico, Gummo et Zeppo) ; il incarna le rôle du frangin singulier, inattendu et délirant, burlesque et absurde, perdu entre rêve et réalité; celui qui crevait l’écran de son regard doux et énigmatique ; ce fut celui par qui, peut-être, survenaient les pires (et géniaux) délires visuels de la célèbre fratrie. Muet sur scène ou à l’écran, mais pas à la ville, il était le contrepoids idéal aux grandioses délires verbaux de Croucho, son frère ainé.

Il livra sur le tard une autobiographie qui expliquait qu’à l’occasion d’une tournée en solo en Russie, le voyage flirta, selon ses dires, avec l’espionnage en pleine Guerre Froide. L’auteur de « Harpo », Fabio Viscogliosi, sans doute peu convaincu, revisite cet espace-temps jugé peu crédible, invente à l’acteur une seconde vie temporaire à l’amorce de l’épisode, une existence parallèle qui, semble t’il, fabule tout autant. Vrai ou pas ? Quelle importance quand, des Marx Brothers, on peut attendre tout et n’importe quoi ; c’est ce qui fait leur sel, leur folie, leur génie.

Cet écart temporo-spatial est le sujet de la présente novella.

C’est au retour de Moscou, au Havre à la descente du train, que bourgeonne l’uchronie ; Harpo a des envies de Nationale 7 ; il emprunte seul, plein sud, en voiture de location, une route buissonnière qui, en plein hiver, le mène au cœur du Massif Central.  Isolé au cœur de la plus froide des nuits et des saisons, entre Ardèche et Haute-Loire, un grave accident de la route l’attend, il y perdra pour un temps la mémoire.

La suite appartient au récit entre découverte et immersion dans une culture paysanne française des années 30, minimaliste, traditionnelle, encore ancestrale, taiseuse mais accueillante et un clan Marx recourant aux services de l’Agence Pinkerton pour retrouver leur frère disparu (le détective choisi est aux antipodes du genre, il confie son enquête à l'intuition, au flair, au vent de l'air qui passe, à la chance, au flux et au reflux de l'inutile; il ressemble tant à Harpo).. 

Une France d'antan, repliée sur le passé; New-York et USA où l'instant est aux paillettes, à l'argent facile et au m'as-tu-vu Hollywoodien. Contraste géographique et humain, Harpo va resserrer sa vie sur l’essentiel.

Ce très court roman avait tout pour me plaire. Les lectures rapides et simples me sont nécessaires par les temps qui courent ; 165 pages et de nombreux chapitres éphémères firent l’affaire. « Harpo », en simple titre à l’ouvrage, aurait pu rester énigmatique si ce n’est que le prénom s’est accolé automatiquement aux Marx Brothers que j’ai, de tous temps, adorés et qu’en bandeau rouge autour de l’objet-livre, apparaissait la trogne d’Harpo, haut-de-forme noir et cabossé, perruque blonde et frisotée, regard angélique, rêveur et énigmatique. La 4 de couverture ventait un thème qui cousinait avec l’uchronie, une non-biographie manifeste, curieuse et inattendue, un artéfact littéraire comme parfois je les aime. Mais ce qui emporta le morceau fut, qu’ouvrant le livre, je tombais sur des noms de lieux campagnards qui sont presque miens.

S’ajoute le pouvoir de l’écriture, Fabio Viscogliosi le possède manifestement. Entre concision de compte-rendu et poésie des mots apportée aux phrases, entre hommage sincère à l’acteur et plaisir ludique de la fable se nichent des effets de style étonnants au sein d’une prose aisée et facile, évocatrice et douce ...

A lire.


 



5 commentaires:

  1. Je connais mal les Marx Brothers. A vrai dire, je ne sais pas si j'ai déjà vu plus que des extraits de leurs sketches.
    Alors c'est naturellement le prénom de Groucho qui me vient en premier à l'esprit avec sa trogne si reconnaissable, chargée de moustaches, lunettes et cigare. Mais à voir les photos de la fratrie, je comprends mieux pourquoi l'auteur, et toi-même, avaient posé votre dévolu sur Harpo.

    Groucho, par exemple, ne me semble pas prêter au mystère. Je ne me demande pas ce qui se trame dans sa cervelle : il s'y fabrique les aphorismes brillants qui lui furent attribués.
    Harpo, par contre, avec sa tête de chérubin lunaire, ses yeux rêveurs, à quoi peut-il bien penser ? Il y a là matière à imagination, à fictions.

    J'aime bien le principe de ces récits, de ces petites uchronies (comme tu dis) locales et personnelles, qui s'inscrivent dans les interstices de la vie de personnalités, ces gens qui sont déjà des "personnages", qui charrient avec eux tout un imaginaire qu'on peut creuser, étendre, retourner...

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    1. Jim, es-tu intéressé par la lecture du roman, je l'ai en double et dans un état plus que correct (mais sans bandeau) ?

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    2. Jim, citation : « A vrai dire, je ne sais pas si j'ai déjà vu plus que des extraits de leurs sketches. »
      >>> Itou me concernant. Leurs long-métrages n’ont jamais eu (à ma connaissance) l’honneur du prime time télévisuel (et c’est bien dommage). C’est, au mieux, en queue de peloton de soirée que l’on a pu les voir. Pour ma part, je me souviens d’au moins une projection dans un ciné-club de quartier (j’étais ado). Le titre ne me revient pas en mémoire, je me souviens néanmoins d’un foutoir humain dans une cabine de paquebot (genre combien d'individus à y entrer et rester).
      XXXX
      Jim, citation : «Groucho … [ ] … Je ne me demande pas ce qui se trame dans sa cervelle : il s'y fabrique les aphorismes brillants »
      >>>
      _ “Le surgelé est une invention remarquable, mais qui remplace difficilement une épouse charmante qui vous accueille dans une étreinte vorace. »
      _« Tout homme qui se remarie ne mérite pas la chance qu’il a eue de perdre sa première femme.”
      _ « La politique, c’est l’art de chercher les problèmes, de les trouver, de les sous-évaluer et ensuite d’appliquer de manière inadéquate les mauvais remèdes.”
      _« Je vous céderais bien ma place, mais elle est occupée. »
      _ « Le meilleur moyen de s'endormir est de s'imaginer qu'il est l'heure de se lever.”
      _ « Les gens qui vous parlent du bon vieux temps ont généralement dépassé la cinquantaine.”
      _ « Il est difficile d'avoir tort quand on a fait soi-même les questions et les réponses.”
      _“Avec tous les cinglés qui nous gouvernent et polluent l'atmosphère avec des tas de retombées radioactives, plus personne n'a le temps de vérifier l'exactitude d'une citation faite par n'importe qui au sujet de n'importe quoi.”
      _“Le saumon vit dans des boîtes en fer-blanc, d'où il ne sort que le dimanche soir quand des amis arrivent à l'improviste.”
      _“Je suis né très jeune.”
      _“Le meilleur moyen d’éviter la chute des cheveux, c’est de faire un pas de côté.”
      XXXX
      Jim, citation : « Harpo, par contre, avec sa tête de chérubin lunaire, ses yeux rêveurs, à quoi peut-il bien penser ? » >>> à foutre la pagaille et il y réussit fort bien.
      XXXX
      Jim, citation : « J'aime bien le principe de ces récits » >>>> Cf le comm ci-dessus.

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    3. _ " (...) es-tu intéressé par la lecture du roman, je l'ai en double et dans un état plus que correct (mais sans bandeau) ?"

      C'est gentil de proposer, mais je vois qu'il est au catalogue de ma médiathèque de quartier : je n'aurais donc pas de mal à me le procurer quand l'envie me prendra ! ^^

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  2. En illustration sonore (qui spolie, à ne pas écouter avant lecture):

    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/ca-peut-pas-faire-de-mal/harpo-une-odyssee-miniature-de-fabio-viscogliosi-2140730

    La photo de Harpo met en lumière le propos de Jim ci dessus, je cite: "Harpo ... [ ] ... avec sa tête de chérubin lunaire, ses yeux rêveurs, à quoi peut-il bien penser ?"

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