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vendredi 4 novembre 2022

Puzzle 14 - Paul Personne (+ A l'ouest) (2014)

    

   


            Vas-y Paulo !

Paul Personne n'est qu'un pseudo. L'homme est René-Paul Roux; il voit le jour à Argenteuil en 1949. "Puzzle 14" est un de ses albums studio, celui paru en 2014. L'opus s'inscrit dans une discographie d'amont et d'aval. C'est un disque parmi une vingtaine d'autres, tous réussis, chacun à sa façon, dans la continuité tranquille et logique d'une œuvre plus grande, inspirée, attachante et sincère, liée dans sa globalité au blues et à la guitare à lui dédiée.

Pour qui n'a jamais entendu Paul Personne, la première évidence est celle d'un talent incontestable à la guitare blues-rock. Il possède un son, une patte, un style qui, dès les premières notes, signent l'instrumentiste virtuose et le font reconnaitre entre mille autres. C’est un fait : personne ("p" minuscule) n'est comme Personne ('P" majuscule): à l'électrique ou l'acoustique; sur 220 ou unplugged; dans cette voix unique, chaleureuse, rocailleuse et belle; dans cette manière particulière de torcher les mots bleus en français (il est auteur-compositeur).

Son art dépose sur les tympans de qui l'écoute une empreinte blues-rock classique, mais néanmoins singulière. Deux ambiances se côtoient brassées dans le même bouillon ; l'une nostalgique et typée seventies ; l'autre novatrice et expérimentale à minima. C'est, pour qui l'a suivi d'album en album, une constante remarquable, un don à lui offert, avec nous partagée, sur laquelle il se laisse porter selon ses envies, et nous rêver au gré de ses fantaisies.    

C'est, semble t'il, un guitar-héro d'obligation, de forme plus que de fond; le public en demande la démonstration sur scène, il obtempère, se sent obligé mais ... l'essentiel pour lui est de revenir sans cesse vers ce blues-rock de base qu'il aime, connait sous tous les angles et restitue de toute son âme; pourvu qu'il joue AVEC ses musicos et POUR son public, dans l'ombre même de sa propre notoriété. Paradoxale attitude, non ? Mais profondément honnête, humble et authentique, entre timidité, effacement, reconnaissance critique et notoriété. Et, ma foi, ici, je pense à Rory Gallagher qui, sur des principes voisins, vivait son art davantage comme un partage qu'un écho nombriliste de son succès. D'autant que l'homme à la ville dans le sillage du musicien et de son pseudo, se montre discret et nostalgiquement introspectif ; il n'en est que plus attachant, doux et attendrissant. Sa musique est toujours aussi belle, ne semble pas, en 2022, avoir encore rendu tout son jus de riffs, de soli et de mélodies. Pourvu que çà dure. Qu'il reste ce qu'il est : une parenthèse blues-rock dans un paradis six-cordiste qu’il laisse perdurer et dans lequel il innove.

Paul Personne est tombé, minot, dans une marmite remplie de notes noires et bleues; dans un creuset où mijotait (et mijote encore) la potion envoutante, magique et éternelle du blues guitare; là où se frottèrent les rythmes intuitifs africains à ceux venus d'Europe, d'Amérique Latine ou d'ailleurs. Paul Personne a vécu l'oreille dressée à l'école des vieux bluesmen d'Outre-Atlantique (et des jeunes pousses d'Outre-Manche) jusqu'à laisser mûrir et s'inventer un style en propre, nourri du passé et de ses envies de l'instant. S'inscrivant patiemment dans la continuité tranquille de blues revivals ponctuels, hors de tout effet de mode, sur le fil rouge de la musique du Diable, il a emprunté, 4 décennies durant, toutes les Routes du Blues. Tour à tour en collectif (le mythique groupe "Backstage") puis en efforts solitaires, il a gravé dans la cire une discographie prolifique, inspirée et reconnue. Sur le pari difficile (mais réussi) d'une musique de "mauvais genres", somme toute marginale en France, qui n'a jamais eu vraiment l'heur de plaire à tout le monde, un public fidèle s'est greffé sur son nom, dans l'attente patiente de ses rondes galettes noires et ses shows où il donne le meilleur de lui-même.

Au sein de "Puzzle 14" rien n'est vraiment monolithique (c'était à craindre d'un marché musical de niche tel que celui ici proposé), tout alterne et varie d'une ambiance à l'autre, d'une envie à la suivante. Pari tenu et réussi que celui de la variété d'atmosphères. Si au cœur du projet abouti règne, comme attendu en marque de fabrique, un blues-rock omniprésent, des variantes rythmiques satellitaires se greffent et font la différence d'une plage à l'autre: quelques fois un rien funky wah-wha à la pédale, par instants ouatées des douceurs du rock FM, à d’autres rock de tradition lourd ou serein, hard graisseux parfois, voire un rien jazzy en bouffées légères  ... C'est selon et cela relève de l'humeur en cours. Maints morceaux se terminent en brefs phrasés croisés de twin-guitars. De l'une à l'autre, par paires successives, enchevêtrées, entrelacées, entrecroisées, superposées, des lambeaux de soli attirent l'oreille de droite et de gauche, au gré des latéralités choisies par l'ingénieur du son (Personne lui-même). Le Southern Rock, lui aussi, n’est pas très loin

Les Gibson électriques que Personne chérit depuis toujours sont au rendez-vous. Les caractéristiques classiques de la marque sont là. Personne et Gibson: une osmose réussie. Le son coule des amplis, gras, percutant, punchy et tendu; ou à l'opposé, léger, aérien et jazzy… C'est selon. D'un côté, bourru, rentre-dedans et pêchu; de l'autre rond, chaud, distendu, étiré et enjôleur …

Riffs à l’assommoir, accrocheurs et furibards, énergiques, survitaminés et overclockés. Rythmiques béton, solid as a rock. Lenteurs câlines et frissonnantes, comme suspendues dans l'air ; douceurs éthérées et languides comme sait les offrir Santana et savait les restituer feu Gary Moore ; notes acides en bouffées virevoltantes, mélodieuses et légères; rafales de croches, denses et soutenues, en tir continu ou en brèves ponctuations isolées. Le tout semble cueilli au cœur des seventies, il y en a la forme et le fond, les couleurs flamboyantes et les codes oubliés ... Back to the future.

La pochette de « Puzzle 14 » me fascine. Pour le moins … Elle est typique, au crépuscule des 60's, du rock psychédélique US de la Côte Pacifique. En témoignage d’un art graphique oublié, l’illustration choisie par Personne est t’elle passéiste ? Plutôt nostalgique, à mon sens. A contre-courant ? Non, puisqu'en 2014 (année de parution de "Puzzle 14") s'initiait un néo-psychédélisme rock confié à une nouvelle génération. A rebrousse-temps ? Encore moins, quand la musique de Personne a toujours baigné dans un jus blues éternellement revisité. Basta, cette pochette n'est qu'hommage aux seventies, le contenu s'accordant au contenant, comme évoqué plus haut. Signée Mathieu Van Eeckhoot  (bravo, bravo) elle revisite une mode hippie d’il y a plus d’un demi-siècle, celle  de rendre presque illisibles sur les pochettes issues de l’Acid-Rock de San Francisco le nom des groupes et de leurs albums. Ils étaient noyés dans un background grouillant de circonvolutions art-déco (ou autres jungles tropicales). L'essentiel était d'avoir des difficultés à les lire, de se montrer en capacité de les déchiffrer, exploits à la portée, presque sectaire, de seuls initiés. L'illustration ornant "Puzzle 14" appartient à cette mouvance picturale énigmatique et flamboyante, elle aurait eu mérite à s'étendre au recto comme le firent nombre de LPs d'antan, en double pochette étalée, à l'image des fresques de Quicksilver Messenger Service, du Dead ou du Jefferson Airplane. Rien que pour çà l'achat de « Puzzle 14 » mérite de se faire en 33 t, au format max, à celui propice aux yeux grands ouverts et ébahis face au 16/9ème. J'adore. On y voit, bleutée, une pièce de puzzle, elle correspond, une parmi d’autres, aux styles musicaux abordés. Chapeau encore .. !

Parlons maintenant d' "A l'ouest", le groupe accompagnant Paul Personne sur "Puzzle 14". Nous sommes en pays de guitares pluriel, deux pour le prix d'une, celle de Personne est accouplée en mariages savants à celle d'Anthony Bellanger, son guitariste-frère d'adoption tout du long des 13 titres (et accessoirement du live qui suivra "Puzzle 14"). Des deux grattes, qui fait quoi quand elles se ressemblent tant, se rejoignent et se séparent dans une complicité étonnante ? Va savoir ? Stéréo canaux droit et gauche, quoi de l'un quoi de l'autre, d'une oreille vers sa jumelle, balancé, chaloupé. L'un puis l'autre, tour à tour lumière puis ombre. Qu'importe au final quand, les deux, se montrent un tout qui fait tout. Chapeau. Basse bourdon qui chahute en plein sur le temps, batterie type des 70's. Back to the future again.

Si les paroles sont (ont toujours été), il me semble, le maillon faible de Personne, comme jetées énigmatiquement sur la feuille, la voix s'ajoute aux merveilles que tissent les guitares et la lourde ou sereine rythmique;  elle est reconnaissable entre mille, on en perçoit les habitudes, les tics, les trouvailles, les spécificités.

Alors, oui, personne n'est comme Personne, profitons en .. ! Titres à écouter en priorité : tous.

 Illustration sonore: "Cà fait mal"

 




 

Dans la foulée, ci-dessous, le Live associé à "Puzzle 14" avec le même groupe accompagnateur ("A l'ouest"). Son nom "Electric Rendez-vous".




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