Accueil

Accueil
Retour à l'Accueil

lundi 4 mars 2024

Ours – Laurent Cappe

 

Ed. Vendeurs de mots (2023)

La une de couverture nous parle d’un ours et nous montre deux tourterelles. Etonnante cohabitation de symboles apparemment divergents, entre pesanteur et légèreté … et pourtant, quoi de plus logique quand deux opposés, Ours et Birdie, s’attirent.

Laurent Cappe, à la convergence des parallèles, nous propose un roman attachant, simplement humain, empreint de réalisme et de poésie onirique. C’est une réflexion pertinente sur ce qui fait de la Vie un drame et un bonheur. Le lecteur suit, en itinéraires croisés, quelques destins emmêlés ... non loin des vertigineuses falaises crayeuses du cap Blanc-Nez (Côte d’Opale, département du Pas-de-Calais), sous le regard des mouettes et des goélands filant vers l’Angleterre, apparemment indifférents aux destins des hommes …

… encore que !

Où classer le récit, dans quelle case, dans quelle prison ? Littérature générale, roman de terroir, d’Amour, Fantastique, de mystère et de suspens, « conte à rebours » (jeu de mots) quand la numérotation des chapitres s’inverse tout le long du décompte d’une longue nuit d’attente qui ne livrera sa clef qu’au petit jour d’une aube nouvelle … ? Quelle importance les étiquettes, quand de fond, « Ours » est un roman d’interrogations sur l’essentiel : la vie, la mort ... et où chacun y trouvera des échos à sa propre existence, liés à ce qu’il est et montre, à ce que les autres sont pour lui et inversement …

A ce jour, trois romans sont sortis sous la plume de Laurent Cappe. A chaque parution un mot solitaire en usage de titre, une constante, un rite, une marque de fabrique, un porte-bonheur ?  Il y eut « Bleu » en 2020, « May » en 2021 (Prix de littérature du Lions Club pour la région Nord et prix spécial du jury du salon de Bapaume). L’auteur, fin 2023, nous revient avec « Ours » aux « Ed. Vendeurs de mots ». Sur le fil de ses deux premiers romans, Laurent Cappe m’avait scotché et essoré le cœur d’un trop-plein d’humanisme, sur le fil agréable et aisé d’une prose élégante, délicate et sensible qui s’en va crocheter, enfoui et retenu, le meilleur de nous-mêmes … à savoir les larmes et l’empathie. « Ours » n’échappe pas à la règle. Retour, via une fiche de lecture, sur un ressenti chahuté par la gravité des thèmes abordés ; par la manière pertinente, naturelle et sensible de présenter et de disséquer des personnages attachants et vrais ; par ce lot d’épreuves douloureuses que sont certaines « choses de la vie » mais aussi ces moments de bonheur que l’existence nous offre par de si chiches touches hésitantes.

Virgile, dit l’« Ours » : sa carrure imposante et pataude, son caractère bourru. Un homme tendre à cœur, au final une bonne pâte. Un octogénaire reclus qui, un lourd secret le verrouillant, âge et alcool en cachette aidant, dérive désormais d’absences en absences, de trous de mémoire en brèves étincelles de souvenirs, passé et présent mêlés. Ours, un naufragé laissé pantois et angoissé entre zones d’ombre et flashbacks épuisants, au cœur d’une alternance éprouvante de présences ébahies et de non-être où il s’englue. A ne pas comprendre ce qu’il fait là, pris de vertiges, au bord du précipice d’une falaise crayeuse ; sur un chemin de campagne qu’il a, jadis, emprunté si souvent ; dans une auberge où il a mangé tant et de fois. Qui est Adam, cet énigmatique jeune homme qui l’accompagne, qui lui ressemble tant, 60 ans plus tôt… et à qui il raconte tout, son passé, ses bonheurs, à qui il parle de « Birdie » ?

 « Birdie », le contraire d’Ours: petite, frêle, bavarde, ouverte aux autres, son épouse défunte … Ours, un veuf à la dérive, une vie désormais fracassée dont chaque fragment n’est plus que remontée d’un passé heureux. Entre eux, le grand Amour, celui sur le long cours, depuis le premier regard. Dans l’ordre des choses, l’un part, l’autre reste et vit reclus, dans le souvenir éteint d’une flamme qu’Ours a peut-être lui-même soufflée .. va savoir quand tout se complique et reste tu. Une histoire comme une autre, un peu hors normes mais plausible, un brin fleur bleue mais on s’en cogne quand le cœur du lecteur fait boum-boum et que les larmes ...

« Ours » et « Birdie » : un de ces couples autour d’un manque, celui d’un enfant qui n’est jamais venu ; deux vies qui se cherchent un avenir au-delà de la mort. Elle, sculpteur de renom ; lui auteur de Fantasy. De l’argent plus que nécessaire, une belle demeure dans le Nord Pas-de-Calais … des voisins à qui s’attacher, un couple, deux petites filles, une manière de compenser, d’entrevoir l’avenir .

Cappe gratte du côté de l’Amour qu’emporte la mort de l’un, de l’euthanasie, de la fin de vie, des transmissions trans générationnelles des savoirs, des passions et des acquis. Thèmes éternels que ceux-ci …

« Bleu », « May » et « Ours », trois flèches décochées cœur de cible ; un auteur, Laurent Cappe, qui n’est plus une révélation mais une constante de qualité. Lisez-le, écoutez-le, il a tant de choses à dire. On en sort le cœur gros mais rempli de bonheur.

3 commentaires:

  1. Rien que ta chro bouscule mes émotions...c'est le genre de lectures que je recherche. Je lirai ce roman :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. il faut prévoir les kleenex. Parce que tu n'y coupera pas à la petite larme... comme les autres, bibi inclus ... et puis, après tout, même pas honte ... çà fait du bien, de temps en temps, une vision optimiste de l'humain dans ce monde bien trop noir.

      Supprimer
  2. Sergio Ramirez, in "A balles réelles: "Un vieux tout seul, c'est comme un cerf-volant sans queue".
    Jacques Brel, in "Les vieux": "Celui des deux qui reste se retrouve en enfer"

    RépondreSupprimer

Articles les plus consultés