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samedi 20 avril 2024

Au carrefour des étoiles - Clifford D. Simak

 
 

Réédition J'ai Lu n°847 (1978) traduction de Michel Deutsch

 

Ce roman, daté en VO de 1963, est de ceux qui pourraient plaire aux lecteurs qui détestent la SF ; et les pousser à explorer plus avant un genre en mal de reconnaissance. C’est tout ce que je leur souhaite.

« Au carrefour des étoiles » est un roman SF signé Clifford D. Simak, auteur américain majeur de l’Age d’Or US. C’est l’un de ses deux (allez trois.. !) chef-d’œuvres, aux côtés de « Demain les chiens » et, à un moindre niveau, « Dans le torrent des siècles ».

Début des années 60, Millville, un petit village du Wisconsin profond. On ne s’y mêle que peu des affaires d’autrui. Pourtant, Enoch Wallace s’y montre un drôle de paroissien. De ce que l’on sait, comprend ou suspecte, son cas interpelle. Ne serait ‘il pas immortel ? Des détails tendraient à le prouver … presque des certitudes. Les villageois s’inquiètent, l’ostracisent, murmurent, chuchotent, à tel point que les Services Spéciaux, en discrète surveillance … peu à peu découvrent un pot aux roses étonnant.

« Il était le seul espoir qu'avait l'humanité d'accéder un jour à une place parmi la vaste confrérie galactique. Mais appartenait-il encore à la race humaine ? »

L’état civil lui donne 124 ans alors qu’il parait à peine la trentaine. Les registres municipaux le recensent soldat unioniste pendant la Guerre de Sécession (le prologue traitant de Gettysburg est particulièrement prenant). Un siècle plus tard, il est toujours là, jeune, vif et alerte. Quasi reclus dans sa demeure isolée que personne ne se vante d’avoir jamais visitée. On ne le croise que peu, sans jamais lui adresser la parole, invariablement méfiants et craintifs. Il vit en quasi autarcie. Ses seuls contacts : le facteur, par qui transitent son courrier, un peu de nourriture, des revues scientifiques auxquelles il est abonné, hors de compréhension du commun des mortels, de grands registres vierges et des litres d’encre noire ; le banquier chez qui il troque périodiquement d’inattendues pierres précieuses contre espèces sonnantes et trébuchantes ; Lucy, une jeune fille du voisinage, une sauvageonne sourde et muette, un tantinet guérisseuse qui va se montrer un « Chainon manquant » crédible et émouvant… Mary, cette jolie demoiselle du Sud en crinoline et ombrelle avec qui il va vivre une bien belle, triste, émouvante mais impossible histoire d’amour … ou comment s’éprendre d’un hologramme-cadeau d’origine E.T. pas si indifférent que çà. … la suite appartient au récit. Sortez les mouchoirs.

Derrière la façade aux fenêtres aveugles de sa maison, le cas Wallace dévoile une troublante réalité, empreint d’humanisme et de bienveillance. La maison d’Enoch est une station-relais spatiale par laquelle transitent incognito les visiteurs de l’Espace. Wallace en est le gardien, le veilleur et le dispatcheur. Ses bons services de chef de gare en échange de l’immortalité … et de cadeaux étranges dont il ne parvient pas à comprendre le fonctionnement.

En parallèle au roman, le contexte géopolitique ambiant, quoique diffus, n’est pourtant pas sans importance. Alors que s’agitent jusqu’au paroxysme les soubresauts de la Guerre Froide et que, sur un coup de dés, sur un coup de folie, l’embrasement nucléaire est à portée de bouton rouge, s’inscrit l’histoire édifiante et déterminante d’un enfant de la Terre : Enoch Wallace. Le rapport à l’Atome guerrier n’est pas innocent, il s’insère dans une logique SF historique qui chercha, Hiroshima et Nagasaki aidant, à tirer les sonnettes d’alarme sur sa potentielle utilisation guerrière et ses conséquences induites. Une semblable évocation à minima apparait dans « Demain les chiens » en prélude à un changement d’importance pour l’humanité ; son usage en filigrane accentue le message véhiculé : l’Homme doit changer, mûrir, pour simplement éviter le pire, survivre, grandir. En parallèle, une confraternité extra-terrestre, dont la Terre ignore l’existence, étudie l‘Homme, acceptera ou refusera sa candidature … C’est mal barré… et pourtant.

S’il est, lecture close, un qualificatif retenir, c’est « bienveillance ». Plus omniprésent encore que dans « Demain les chiens », le terme cerne un auteur attaché aux traditions, au bon sens campagnard, aux beaux sentiments, à l’entraide communautaire. En sus de son humanisme, de son bucolisme … tout concoure vers un auteur à part, auquel s’attacher, sur lequel veiller pour que ses messages ne s’émiettent pas. Merci Monsieur Simak.

PS : un satisfecit particulier pour le travail graphique de Caza en une de couv. L’illustrateur a très souvent frappé cœur de cible et ici, plus particulièrement. On y retrouve le cœur du roman, l’ET chauve et arc-en ciel, la maison d’Enoch en sommet de falaise, la constellation étoilée qui, de là-haut, surveille.

 

Compléments d'informations:

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Version Originale US en deux épisodes in Galaxy (juin et août 1963) sous le titre « Here gather the stars » ;

 

_  rebaptisé « Way Station » en VO roman la même année ; 

prix Hugo 1964 entre « Le maitre du haut-château » de Dick et « Le vagabond » de Fritz Leiber ;

_ traduction initiale par Michel Deutsch in Galaxie-2 nd série n°1 et 2 de mai et juin 1964 ;


_ VF roman chez Albin Michel SF-1st série (1968), illustration d’André Depouilly ;

 _rééditions successives en « J’ai Lu » (1978) sous couverture signée Caza ; en 2004 chez Omnibus (« Les mines du temps ») … et pour finir, retraduction par Pierre-Paul Durastanti et illustration d’Akumimpi pour « J’ai Lu Nouveaux Millénaires » en 2021 (réédition poche chez le même éditeur).





7 commentaires:

  1. La présente chronique sera en ligne dans quelques jours sur Culture SF. Le roman n'existe pas encore sur le listing des critiques du site disponibles.
    http://www.culture-sf.com/forum/critiques/

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    1. Si, elle existe. Je viens de m'en apercevoir J'y ai collé la mienne. Quel imbécile je fais.

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  2. Je n'ai aucune certitude d'avoir utilisé les bonnes images pour les versions US.
    En outre: j'ai rêvé ou pas, en piquant la photo de "Way Station" à un site vendeur anglo-saxon, j'ai vu passer un prix de vente en occase à plus de 5000 euros ?
    Y'a une raison ?

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    1. "VF roman chez Albin Michel SF-2nd série (1968)" => en fait c'est communément considéré comme la 1ère série (les 4 sans numéros + le Rignac pour le Fantastique).

      "Je n'ai aucune certitude d'avoir utilisé les bonnes images pour les versions US." => c'est bon au niveau apparence sachant que les éditions "book club" sont identiques à l'EO et ne reconnaissent qu'à l'intérieur ou à la 4ème de couverture.

      "En outre: j'ai rêvé ou pas, en piquant la photo de "Way Station" à un site vendeur anglo-saxon, j'ai vu passer un prix de vente en occase à plus de 5000 euros ?
      Y'a une raison ?" => je dirais que c'est un peu excessif, quelques centaines d'euros semblent un prix plus raisonnable (il ne me semble pas que Simak soit vraiment collectionné à ces niveaux de prix)

      S ;-)

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    2. Merci S'Anonyme, concernant Albin Michel SF, je corrige (c'est également ce que semble entériner "Le Rayon SF" et "Noosfere"). Je ne sais plus où, sur le net, j'ai pris cette idée de seconde série.
      J'aime bien l'illustration, elle colle assez bien au propos du roman.

      Citation: "quelques centaines d'euros semblent un prix plus raisonnable" >>> Quand même.

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    3. "Citation: "quelques centaines d'euros semblent un prix plus raisonnable" >>> Quand même." => en fait, c'est toi qui a raison, on en trouve plusieurs exemplaires (chez plusieurs vendeurs) à ces prix, c'est à dire plus cher qu'un Foundation de chez Gnome Press Mais bon, tu as encore plus cher avec HPL (10.000 $).

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    4. @Citation S'anonyme: "tu as encore plus cher avec HPL (10.000 $).">>> Ben voila, on y est: en fait, ç'est çà qui fait peur chez Lovecraft.

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