Novedi Ed. (1982)
"Afromerica", 7ème
épisode de la série, est sorti en 1982.
L'opus précédent : "La secte", gagnait en graphisme ce qu'il perdait au niveau
du scénario, montrait un léger déséquilibre entre un texte à mon
sens faiblard et des dessins magnifiques et omniprésents. Hermann
resserre ici les boulons autour d'une histoire qui a du poids, se montre conséquente et étoffée. Quelques personnages, du moins plus qu'à l'ordinaire,
loin d'être secondaires, sont mis à contribution dans des rôles importants;
leurs intentions opposées ramifient et diversifient les possibles du scénario
qui peu à peu se déroule dans toute sa complexité. Ce qui est raconté tient la
route, passionne, s'impose avec intérêt; mais la complexité du tout engendre un
nombre conséquent de phylactères bien remplis. Exposer la situation a du
obliger au sacrifice de la place laissée au dessin qui, néanmoins, s'en tire plutôt pas mal, mais
avec moins de lyrisme graphique qu'à l'ordinaire.
Dans sa volonté de renaissance, le
scénariste-dessinateur revient aux bases de la série, à son idée de départ,
aux origines du monde post-cataclysmique qui l'occupe depuis 3 ans. A savoir un
conflit interracial entre noirs et blancs qui a dégénéré jusqu'à l'usage
immodéré du nucléaire guerrier. La Terre a été laissé à une "Grande
Lessive" (si bien nommée) où les survivants, au cœur d'une nature qui
reprend ses droits, cherchent leur simple survie ou des schémas de
reconstruction au service d'un monde qu'ils veulent autre.
Le problème central demeure racial,
malgré les années écoulées, qui, dans le fatras des jours d'Après, aurait du
paraître si aisément contournable ...
Chaque camp, depuis la catastrophe,
s'est posé géographiquement à bonne distance l'un de l'autre, dans un calme et
une indifférence réciproque, en repli sur soi autarcique, dans son propre modèle de
société rêvée peu à peu recrée. Existe t'il toujours, dans l'optique d'une réconciliation, une
place pour, au-delà d'une simple différence de couleur de peau, des modèles de
vie divergents ?
Les temps paraissent, néanmoins,
aux yeux de certains, désormais propices à une paix peut-être fragile mais
enfin envisageable. Blancs et noirs tout proches d'enfin se serrer la main, en
oubli du passé ? Une ombre au tableau persiste néanmoins: chaque clan est
noyauté et vérolé, au plus près des deux pouvoirs centraux, par des cercles
d'influences extrémistes d'égales importances. La Guerre plutôt que la Paix.
Pour l'un, c'est "Survival", groupe suprématiste blanc; pour
l'autre "Afromerica".
Les circonstances vont faire, et
c'est tout le sujet de l'épisode, que Jeremiah et Kurdy devront, fruits
du hasard et des rencontres, émissaire pour l'un et otage pour l'autre, démêler
une situation où des forces amies s'opposent et d'autres, ennemies se rejoignent.
Sauveront t'ils leurs peaux sur un échiquier où les pièces des uns et des
autres avancent difficilement à découvert ou en intentions cachées ?
L'empreinte western sur la BD est moins
prégnante qu'à l'ordinaire, les vignettes oublient quelque peu les standards
visuels du genre, elles se privent volontiers de révolvers et les chevaux ne
sont plus si omniprésents. Les décors se montrent plus africains (thème
oblige), l'urbanisme emprunte les formes d'un autre continent, les Grandes
Plaines US prennent des allures de savane ...
"Afromerica" est
peut-être à mon sens le meilleur des Jérémiah jusqu'ici lus. Il
agglomère autour d'un thème fort (qui au regard de certains événements
d'actualité perd son aspect d'anticipation) des qualités graphiques et
scénaristiques qui me semblent indéniables.
Mention spéciale à Mungalia, l'homme aux guépards, qui donne à certaines vignettes un graphisme d'anthologie.
Tu commences à m'intriguer avec ces Jeremiah-des... ^^
RépondreSupprimerPS : l'illustration de couverture de cet album m'évoque une "idée noire" de Franquin : https://i.img.mu/B0ut5.jpg
MDR. Il y a encore 31 tomes à la traîne de ce 7ème. Mais d'ici à les trouver: de l'eau sous les ponts il se passera.
SupprimerJeremiah ne peut que t'attirer, je te connais, il y a une empreinte ciné très forte dans la manière graphique d'Hermann
Étonnamment cette structure labyrinthique visible sur la 1 de couverture et sur une des images extraites n'a pas d'influence vraie sur le récit. Peut-être n'est ce qu'une protection contre les envahisseurs à l'image d'un pont-levis ou d'une douve remplie d'eau...?
Ah Franquin et ses "Idées noires" il me faudrait y revenir.